Dire que je craignais cette comédie tient de l’euphémisme, et ce même avant qu’elle ne fasse un carton au box-office et devienne un phénomène de société. Outre un titre tout droit sorti de la filmographie de Max Pécas, c’est sans doute la bande-annonce qui m’a effrayé, tant elle laissait présager une pochade populo-beauf à base d’humour de boulevard et de vannes au rabais. C’est dire si la surprise a été totale… car on se trouve vraisemblablement devant la comédie de l’année ! Et les raisons de la superbe réussite de ce "Mais qu’on ce qu’on a fait au bon dieu ?" sont multiples. Tout d’abord, le thème du film (le racisme ordinaire) est traité avec une étonnante frontalité et touche absolument tous les personnages, quelque soit leur religion ou leur couleur de peau. En refusant d’éluder l’existence des préjugés raciaux et religieux et en insistant sur leur caractère universel, le film gagne en crédibilité et évite le piège de la leçon de morale bien pesante niant toute différence entre culture. Le film insiste, ainsi, sur le fait que, malgré nos différences (notamment culturelles) et nos préjugés, il est possible de vivre ensemble et d’entretenir des liens forts. Bref, le racisme ordinaire existe (souvent par méconnaissance de l'autre), essayons de vivre avec plutôt que de s'exclure les uns les autres. Ce message de tolérance ne sombre pas, pour autant, dans l’angélisme béat car, et c’est l’un des gros points forts du film, le réalisateur Philippe de Chauveron n’a pas eu peur d’y aller fort dans le politiquement incorrect et se montre particulièrement doué. On ne compte plus les vannes sur les Noirs, les Arabes, les Juifs, les Chinois mais aussi les bourgeois cathos… ce qui paraissait hautement improbable pour une comédie française dite populaire (seuls les derniers "OSS 117" s’étaient aventurés sur ce terrain). De Chauveron fait, ainsi, la liste de toutes les caricatures inhérentes à chaque origine pour mieux jouer avec, grâce à des dialogues d’une qualité inattendue et des idées excellentes (les dindes de Noël différentes pour chaque religion, la place de Jésus dans la religion…). Le réalisateur ne pousse, pour autant, pas le vice jusqu’à priver ces personnages de tous leurs clichés (l’Arabe peut se montrer sanguin, le Juif veut monter une affaire, le Chinois est discret et évite le conflit…), ce qui confère, là encore, une certaine crédibilité au propos mais, surtout, rend les gendres encore plus attachants. Car, l’une des plus grandes réussites du film est d’être parvenue à rendre cette famille atypique terriblement attachante malgré leurs nombreux défauts. Il faut dire que le casting et la direction d’acteur sont épatants. Tout d’abord, Christian Clavier (qui ne nous avait pas autant enthousiasmé dans un registre comique depuis longtemps) et Chantal Lauby (parfaite en mère dépressive) sont évidents en bourgeois de province à l’ancienne. Les quatre gendres (Medi Sadoun, Frédéric Chau, Noom Diawara et même Ary Abittan, qui, pourtant, me gonfle habituellement) sont, sans doute, la meilleure surprise du casting et brillent par leur aisance et leur alchimie… même si on ne peut que regretter qu’ils perdent un peu d’importance dans la seconde moitié du film alors qu’ils ont grandement contribué à le mettre sur les bons rails. Les quatre filles sont davantage en retrait et servent surtout de faire-valoir au gendre, à part peut-être l’artiste dépressive (Emilie Caen) qui s’offre quelques scènes mémorables, notamment avec ses œuvres obscures et ses crises de larmes. Enfin, il serait injuste d’oublier l’excellent Pascal N’Zonzi, qui campe le père du futur marié black et qui redonne un second souffle au film à mi-bobine, avec son caractère impossible et ses terribles préjugés sur les Français. Alors, certes, on pourra toujours reprocher au scénario d’être assez prévisible et de s’achever par un inévitable happy-end plein de tolérance… mais, une fois n’est pas coutume, on s’est tellement attaché aux personnages qu’on espère que l’histoire va évoluer dans ce sens. Quant à la mise en scène, elle ne brille pas forcément par son audace (pas de plan incroyable ou de BO mémorable) mais elle parvient à trouver un rythme comique quasi-parfait et évite tout temps mort. Ainsi, "Mais qu’on ce qu’on a fait au bon dieu ?" est peut-être une des rares comédies françaises de ses dernières années où l’on rit du début à la fin sans discontinuité. Et, sans aller jusqu’à parler de chef d’œuvre (peut-être en raison d’un ton trop abordable, ce qui ne manque pas d’ironie au vu du sujet traité), le film devrait trouver une place de choix dans le Panthéon du cinéma français… ce qu’il a amplement mérité !