James DeMonaco revient à la réalisation après le succès d’estime d’American Nightmare pour un second volet sous-titré Anarchy. Avec Michael Bay à la production, on pouvait s’attendre au pire. Le réalisateur américain, au nom de paradis fiscal, tire pourtant son épingle du jeu, et justement décrit une satyre de l’Amérique de la finance féodale. Peut-être parce que le pouvoir décisionnel doit s’étioler avec cinq co-producteurs. Tant mieux.
En 2023, les États-Unis sont dirigé par les nouveaux pères fondateurs, une oligarchie qui n’a jamais quitté le pouvoir depuis qu’elle a été élue, il y a 9 ans. Ce gouvernement autocratique a mis en place une nuit annuelle où les services de l’État sont mis en sommeil. Cette nuit-là, appelé la purge, les citoyens américains peuvent laisser place à leur instincts de morts, tuer et massacrer qui bon leur semble. Shane (Zach Gilford)et Liz (Kiele Sanchez), un jeune couple en pleine séparation se retrouve isolé après une panne de voiture. Ils rencontrent Leo (Frank Grillo), un homme qui veut venger la mort de son fils, et qui vient de sauver une mère et sa fille, Eva (Carmen Ejogo) et Cali (Zoe Soul), d’une mort certaine. Le quintet va s’unir pour survivre à cette nuit cauchemardesque.
American Nightmare 2 condense en une nuit, tout ce qui fait que l’Amérique peut devenir, pour les classes laborieuses, un cauchemar à l’année. Si, dans le film, la violence culmine lors de la purge organisée par les nouveaux pères fondateurs, dans l ‘Amérique en vraie, l’absence d’interdiction des armes à feux permet à n’importe quel américain de faire justice lui-même tout au long du calendrier. Comme l’on montrait les militants contre le lobby des armes, tel Michael Moore dans Bowling for Columbine, il faut moins chercher, dans les massacres perpétrés aux États-Unis, défrayant avec une monotone régularité les chroniques, le signe de quelques déséquilibrés asociaux et gamers que ceux d’une société malade qui confond droit à la sécurité et vengeance personnelle. Pendant que les masses se sentent protégées par les dieux Smith et Wesson, elles sont néanmoins bien dépourvus face à la crise des surprimes. Paraît-il qu’au plus fort de la crise des traders venait à Wall Street avec des gilets pare-balles. Si ce n’est pas une légende urbaine, ils avaient bien raison. On se demande bien ce qui a pu protéger d’un incident mortel quand on tue, à travers le pays, pour moins que ça… C’est ce qu’avance, Carmelo (Michael K. Williams, vu dans The Wire), sorte de Malcom X bien décidé à profiter de la purge pour donner une leçon à quelques puissants. Autrement dit, reprendre l’avantage sur un système, qui par finalité capitaliste, se sépare des plus vulnérables. Ce sont évidemment les SDF, les malades, les femmes et les vieux qui trinquent le plus lors de la purge. Univers de science-fiction fantasmé, American Nightmare 2 n’expose pas moins une réalité bien vivante, nous ne sommes que de la chair à capitaux, et si notre travail rapporte, nous coûtons trop cher. Le système des nouveaux pères fondateurs n’est qu’une extrapolation expéditive de nos politiques publiques. Pour la première fois depuis la première révolution industrielle, cette décennie, alors que nous devrons travailler plus longtemps, notre espérance de vie a diminué. James DeMonaco répond à cet état de fait, non pas par l’indignation proprette, mais par la résistance civique d’un peuple qui devra mettre en œuvre la déclaration des droits de l’homme de 1789 : « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs. »
Dans ce système incroyablement favorable aux riches, violent comme peut l’être le capitalisme financier, Carmelo et ses acolytes rendent justice aux plus faibles, et la révolution ne se fait pas avec des roses. Au détour d’une rue, un banquier est pendu avec un message d’avertissement aux fonds de pensions qui jouent avec les retraites. James DeMonaco rend hommage à la filmographie de John Carpenter en filmant une violence contenue, planante comme une ombre. Les groupes armés qui terrorise la ville prennent des allures fantasmatiques. À l’image d’un système qui ne dit pas son nom. Parmi ces fantômes, certains sont des militaires aux ordres, sans libre arbitre, chargeait d’aider un peu la chance à nettoyer le pays des plus pauvres. Une solution radicale au chômage de masse. Autre allusion sans équivoque à la véritable Amérique, la télévision ainsi que de nombreux participant à la purge récite une litanie louant les bienfaits de la purge et des nouveaux pères fondateurs. Ou comment, le patriotisme exacerbé devient fanatisme. Un instant, cela donne un effet sectaire, l’instant d’après on se dit qu’après tout, ce n’est pas plus malsain que l’hommage rendu au drapeau dans toutes les écoles américaines. Dans un dernier acte explosif, la ressemblance avec Les Chasses du comte Zaroff de Ernest B. Schoedsack est flagrante. Déjà d’actualité en 1932, à l’époque le fait d’un aristocrate qui s’ennuie, la chasse aux pauvres est aujourd’hui celle d’actionnaire sans âmes qui se paient le luxe d’organiser un dîner de gala pour un massacre. Sur le même thème, nous vous conseillons au passage, l’excellente série Chosen.
American Nightmare 2 : Anarchy ne parle pas d’anarchie, si ce n’est celle qui prend place l’unique nuit annuelle de la purge. Le thème du film est bien plus, la révolution à venir face à un système unique et cynique, organisant petit à petit, l’embrigadement et le contrôle des travailleurs. D’abord victime, ces derniers deviennent, par la lutte, les vainqueurs, et franchement, on aimerait que cette capacité de se révolter soit plus réelle que ne l’est ce cauchemar américain.
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