J’aimais déjà beaucoup les précédents « méfaits » de Kevin Smith ("Clerks", "Les Glandeurs" et "Méprise Multiple"), mais alors là, pour son quatrième film, il fait très, très, très, très, très fort !!!! Cette fois-ci il décide de s’attaquer ni plus ni moins qu’à la religion catholique par un pitch de départ délirant : Metraton, l’archange étant la Voix de Dieu, charge une jeune femme célibataire, Béthany, d’empêcher deux anges renégats, Loki et Bartleby, d’enter dans une église du New Jersey car cela risquerai tout simplement de détruire le monde que Dieu a créé. Et à partir de ce postulat de base frappa dingue, Béthany va enchaîner les situations et les rencontres les plus folles (un duo de glandeurs bien connus désignés comme étant des prophètes, un apôtre noir qui souhaiterait enfin voir son nom dans la bible, une muse en manque d’inspiration, un avatar de l’enfer composé de fientes, un cardinal top cool qui adore jouer au golf dans son bureau, et même un Dieu au caractère très facétieux). S’attaquant avec humour à la sacro-sainte religion américaine, la désacralisant sans jamais l’insulter (voilà qui est intelligent), "Dogma" est une excellente comédie satirique nous exposant la relation très spéciale qu’entretien l’humanité avec la religion, mettant souvent le doigt sur des points de bêtise d’une telle force que l’ensemble en devient finalement moins hypocrite qu’il ne l’est : les anges qui recrachent l’alcool après qu’une cuite au paradis a failli déclencher une guerre divine, l’apôtre non cité dans la Bible par ce que ça ferait tâche qu’il y apparaît un « nègre » parmi douze blancs, l’action de se « prostituer » pour retrouver l’inspiration (coucou Hollywood : ça c’est pour ta face !!), la métaphore de l’idole du veau d’or avec le personnage de Mooby (pour se qui ne connaissent pas l’épisode biblique du veau d’or, faites comme tout le monde : aller voir sur Wikipédia !) Le tout est bien entendu rempli d’un humour caustique d’une puissance formidable qui explose littéralement lors de dialogues inoubliables (Loki qui explique à la religieuse son point de vue en parlant d’« Alice au Pays des Merveilles », Metraton qui confesse à Béthany qu’un décret de Dieu ne peut être caduc, les interventions de Jay et Bob, la visite de Loki et Bartleby au siège de la compagnie Mooby). Kevin Smith se lâche et réussit formidablement à rendre la religion plus compréhensible en la dénigrant : c’est mille fois mieux que le catéchisme !! Et le summum est atteint avec le casting cinq étoiles du film où tous les chouchous de Smith sont présents : Matt Damon est géant en ange un brin psycho, Ben Affleck en impose en ange renégat prêt à suivre les pas Lucifer dans sa quête contre Dieu, Linda Fiorentino est la fois touchante et hilarante surtout quand elle s’énerve, Alan Rickman est parfait en autorité supérieure affublé d’un flegme désopilant, Jason Lee joue une belle petite pourriture bien loin de ses rôles de comiques de service dans les précédents films de Smith, Chris Rock est marrant en apôtre déchu dont les allusions et sous-entendus font souvent mouche, Salma Hayek apporte une peu de charisme et de sexy au sein de ce casting bourré de testostérone, Brian O'Halloran est encore présent dans de courtes séquences pour perpétuer le running gag de tous les films de Smith (après Dante Hicks le caissier de "Clerks", Gill Hicks le candidat du jeu dans "Les Glandeurs" et Jim Hicks le producteur dans "Méprise Multiple", voici Grant Hicks le journaliste de "Dogma" !), et je finirais sur les éternels Jason « Jay » Mewes et Kevin « Silent Bob » Smith, toujours aussi fantasques et qui, pour une fois, ont un rôle plus important que la simple figuration lors d’une scène (et le débit de Jay en matière de syllabes à la seconde est carrément démoniaque !!).
Formidable satire aussi intelligente qu’irrévérencieuse mais sans jamais être humiliante, "Dogma" est le deuxième film de Kevin Smith après "Clerks" qui mérite de rentrer au panthéon des films cultes. Savourez-le sans honte car c’est vraiment bon !!!