Ce documentaire a un petit côté “film d'aventures” qui le rend très plaisant à suivre : on voyage de Bâle à Hong Kong, Zurich, Venise, Dubaï, Singapour, Shanghai... comme dans un James Bond !!!
On peut rendre grâce aux deux journalistes économiques Danièle Granet et Catherine Lamour, au cours de cette enquête menée sur les places mondiales de l'Art contemporain, d'avoir su obtenir de certains acteurs majeurs (galeristes, grands collectionneurs...) leurs éclairages sur la mutation en cours dans le marché de l'Art depuis la crise financière de 2008, l'affolante ascension de la valeur marchande de certains artistes “stars” et l'intrusion des détenteurs des “nouvelles richesses”, issues de l'exploitation des matières premières et de la spéculation boursière, provocant l'envolée des cotes de certaines œuvres.
La réalisatrice Marianne Lamour, furetant avec sa caméra derrière ses consœurs, a su capter l'atmosphère particulière, à la fois euphorique et éthérée, des foires d'Art contemporain. On apprend d'ailleurs que cette atmosphère fut délibérément créée voici quelques années par des marchands d'Art (Christie's entre autres), afin d'insuffler une ambiance quasi hypnotique dans les ventes d'Art, devenues des moments de béatitude, de temps suspendu où le réel se remplit d'allégresse et où la dépense de millions de dollars se vit en moment festif. La possession d'une œuvre se transforme alors, allégée du poids de la transaction mercantile par l'euphorie d'un achat en quasi apesanteur, en clef d'appartenance à la nouvelle classe des Dominants. La magie de la nouvelle économie.
En ce qui concerne les artistes, on s'attarde sur les plus connus, Damien Hirst, Jeff Koons, ainsi que celui qui paraît comme la valeur montante (au moment de l'enquête), Urs Fischer, présenté comme assez cynique et méprisant envers ses collectionneurs et renvoyant une image assez répulsive d'un artiste avide qui semble avoir fait de la cupidité sa raison d'être.
À contrario, la visite à l'artiste chinois Zhang Huan (et à ses dizaines d'employés), trahit l'admiration que lui porte les journalistes, alors même qu'elles visitent (trop rapidement ?) l'atelier de Matthew Day Jackson, qui possède pourtant aussi une profondeur à laquelle elles semblent moins sensibles.
Au bout du compte, la véritable mutation de l'Art au XXIe siècle ne serait donc pas l'envolée artificielle des cotes, mais plutôt le retour à un “Art d'atelier” (comme au Quattrocento !), où l'artiste, devenu entrepreneur en Art, fournit en œuvres les places internationales, à la grande joie des amateurs et collectionneurs du monde entier, petits et grands ravis de participer à ce Disneyland “for adult only”.