"Amy" n'apprendra rien de nouveau à qui a suivi l'ascension fulgurante d'Amy Winehouse vers la gloire, suivie bien trop rapidement par sa "déchéance" dont se sont repus les media avec une indécence rare, et sa disparition tragique : le potentiel de nuisance de l'immonde Blake, l'insensibilité obscène d'un père réapparu pour tirer le maximum de profit de la célébrité de sa fille, la persécution impitoyable des fans et des paparazzis, sans parler des failles béantes d'une jeune femme trop sensible, blessée depuis sa plus tendre enfance (sa boulimie, incroyablement ignorée par sa mère), tout est là dans le documentaire d'Asif Kapadia, et la tragédie advient encore et encore, sous nos yeux. Nous sommes tous responsables de la mort d'une jeune artiste exceptionnelle de 27 ans, de la perte d'une Voix unique, comparable peut-être à celle d'Ella Fitzgerald, mais, et c'est bien là le plus triste, de la disparition d'un être humain, sacrifié pour rien sur l'autel de la gloire. Mais ce qui est vraiment fort dans "Amy", c'est la démonstration qui y est faite que nos vies - que nous soyons des stars planétaires ou non - sont désormais entièrement capturées par les caméras du monde (et celles de nos proches, et celles de notre téléphone portable), que nos instants les plus privés sont référencés, étiquetés, stockés sur le cloud, et donc que tout ce matériau est disponible si un jour quelqu'un voulait le "mettre en scène". Le talent de Kapadia a donc été de retrouver ce matériel, en particulier celui datant "d'avant", quand Amy n'était encore qu'une jeune fille gaie et incroyablement touchante, et de construire sans esbroufe un portrait que l'on qualifiera de "honnête" : on aurait peut-être aimé plus d'accent sur la Musique, qui est trop rare ici, mais souvent magnifique, et un passage encore plus rapide sur les saloperies enregistrées par les paparazzis (même si certains présentateurs TV aux propos ignobles méritent d'être ainsi montrés dans leur laideur), mais globalement, "Amy" est un documentaire remarquablement construit, et surtout digne, qui honore la mémoire d'Amy. Ce n'était pas gagné d'avance !