J'ai longtemps eu un avis négatif sur ce film sans le voir, et ne le critiquait donc pas. J'ai fini par le voir en me disant que je ne pouvais qu'être positivement surpris et non, c'est encore pire.
Disons les choses simplement : je sais bien qu'il s'agit d'un film amateur - mais il a des prétentions professionnelles que son réalisateur, réalisateur de nombreux docs pour la TV, met toujours en avant. Par ailleurs le clip sorti pour promouvoir le film et donner une image positive de la Mayenne m'avait déjà effrayé : outre des inserts ridicules types clip-art (heureusement absents du film) la chanson sentait le racisme anti-banlieusard à plein nez et donnait une image terrible de ce qui est aussi mon département. Enfin, pour connaître différentes personnes ayant été de près ou de loin proche du tournage, on est loin de l'image sympathique et joviale d'une troupe d'ami : le réalisateur est souvent décrit comme autoritaire et tyrannique, exploitant des bénévoles de bons cœurs pour faire son film.
Tentant de mettre ces trois a priori hors de ma tête j'ai vu le film, et c'est dur, très dur.
Pas grand chose ne va là-dedans. On ne sait d'ailleurs pas vraiment ou commencer.
Bon, le plus évident d'abord : les acteurs. La plupart sont très mauvais, en fait un seul sort du lot, le débonnaire Patrick Cosnet qui surprend par sa justesse. Mais ce sont des amateurs, j'ai envie de dire qu'ils n'y peuvent pas grand chose, s'ils avaient été correctement dirigés ça aurait sans doute été plus supportable, là on les entends ânonner des dialogues souvent foutraques en surjouant très régulièrement les expressions. Ici un réalisateur sérieux aurai demandé plus de sobriété, ça ne semble pas être le cas et tous en payent donc le prix.
S'il est clair que la plupart des participants sont non-professionnels, la communication a toujours mis en avant une qualité d’exécution qui l'était. Et non, mille fois non. Au-delà des acteurs, la caméra est souvent hésitante et la musique proprement insupportable dans son ultra-présence - astuce bien connue mais inefficace pour masquer les problèmes de rythme.
Mais tout ça pourrait s'excuser, le plus grave est vraiment un scénario totalement incompréhensible. La multiplicité de personnages, les histoires croisées, le flash-back, tout ça est horriblement mal géré. Il aurait été bien plus raisonnable de se concentrer sur 2 situations au lieu de ce gloubi-boulga infernal. On y trouve quand même l'histoire d'une studio télé tentait de tourner une fausse TV-réalité, une affaire d'espionnage industriel, le souvenir d'un meurtre involontaire, l'escapade de dealers franciliens venus chercher l'eldorado du cannabis en Mayenne, une histoire de famille en rupture sur fond de rock... Sans parler des apparitions récurrentes d'une parodie de Terminator neurasthénique qui résout des passages clefs du film mais dont la présence n'est JAMAIS expliquée. La dernière scène voit la famille à nouveau réunie chanter (mal) "Ça ne finira jamais" de Hallyday et on a juste envie de prier "si si, s'il vous plaît".
Ici on peut donc se dire que tout ça n'est pas terrible mais bon, c'est un film amateur comme il y en a tant, pas de quoi en faire un foin. On oublie et zou. Mais face à l'armada médiatique déployée dans la presse locale (du Soui on en a bouffé matin, midi et soir durant des mois en Mayenne) on est obligé d'un peu réagir, surtout face à un sous-texte vraiment puant.
Le plus représentatif est sans doute "l'accent banlieusard" de nos deux dealers de Seine-St-Denis, dont l'argot est complètement délirant - je ne suis pas spécialiste de la question mais il est clair que le scénariste a fait un fourre-tout de mots pris par-ci, par-là et ne s'est pas posé une seule fois la question de la véracité. Au-delà de cet argot, le parti-pris de sous-titrer les dialogues par du français ultra-châtié est d'un lourdingue fini, semblant vouloir souligner encore l'acculturation de ces sauvageons, forcément incapable de communiquer.
Toute personne sensée voyant le film aura envie de fuir le département qui a pourtant de nombreux atouts paysagers, culturels (Château de Sainte Suzanne, Musée Robert Tatin, Musée des arts naïfs, ville gallo-romaine de Jublains...) ou gastronomique - mais certainement pas le Gaudebillaux, plat servant de prétexte humoristique régulier mais qui n'est pas du tout une spécialité locale mais de Chinon, en Indre-et-Loire ! Anecdotique mais ça en dit long sur le sérieux du travail visant, parait-il, à "promouvoir la Mayenne"...
Rappelons que des centaines de gens, mais aussi des collectivités et des entreprises ont contribué, financièrement ou par prêt de matériel ou de terrains, pour diffuser une image de la Mayenne remplie de clichés et qui donne surtout envie de ne jamais y mettre les pieds : bouseux, beaufs, pas finauds mais bien braves (incarnation parfaite du mythe du bon sauvage), le film montre toute personne extérieure comme forcément mauvaises. Les "étrangers" (ici parisiens et banlieusards) sont forcément des escrocs ou des bandits, des caïds maltraitant. En somme, la bonté n'est que chez les Mayennais et les autres feraient bien de devenir comme nous ! Superbe message de tolérance en effet...
Le film confirme malheureusement toutes les promesses de la bande annonces pour ce qui est racisme de classe nauséabond.
Un film à ne pas voir, même pour se faire un avis, je l'ai fait pour vous.