Suite et fin de l'oeuvre sulfureuse (c'est le moins que l'on puisse dire) de Lars Von Trier. D'emblée, on se rend compte que le choix de couper au milieu du chapitre 5 n'est pas anodin. C'est le coeur du film. On l'avait laissé sur le récit du moment où elle n'a plus rien "ressenti" sexuellement. On apprend là toute la tourmente de la jeune femme, qui à l'âge de 12 ans a connu son premier orgasme, spontané au milieu d'une prairie en fleurs. Une nouvelle scène coiffée d'une beauté inénarrable, là, en haut de cette colline, plongée dans un plaisir aveuglant parce que nouveau, elle n'aperçoit que deux formes troubles, deux femmes. La mystique prend ici automatiquement une couleur blasphématoire. Le chapitre suivant raconte d'ailleurs pour partie son rapport à la religion et aux croyances. Sa seule vraie croyance, c'est le plaisir matériel. Comme toute personne qui a vu, ou cru voir une apparition, celle-ci prend une place prépondérante et sacrée dans sa vie. Cette apparition, en plus d'avoir eu lieu dans un état de transe sexuel, s'avère être la plus grande nymphomane connue de l'histoire moderne, selon , par la suite, sa foi en le plaisir sexuel est inébranlable. Et le jour de la désillusion, celui où elle ne ressent plus rien, est un vrai choc pour elle. Sa relation avec Jérôme s'étiole, toute sa vie tremble devant ce manque. Ce n'est pas seulement un manque sexuel, c'est un manque existentiel. Le choc aurait été le même pour un catholique fervent qui découvrirait un jour que Dieu n'existe pas. A quoi bon vivre dès lors? Elle commence alors une quête du plaisir qui va l'amener aux confins de l'expérience sexuelle. La violence de K, dans des scènes de plus en plus crues, ne l'impressionne pas. Elle est prête à tout pour retrouver son Dieu. Le divin l'attend aux portes du don de sa personne (l'analogie religieuse, bien que sous-jacente, est ici très forte). Et effectivement, elle jouit à nouveau sous les coups de fouets de K, dénués de toute sensualité, comme depuis le début. Entre-temps, de multiples scènes mémorables entrecoupent la trame. La beauté affleure constamment, alors que le propos est aux antipodes de la finesse de l'esthétique; ce qui donne encore plus de force à ces moments intenses de cinéma. Cette deuxième partie, moins fragmentée (il y a seulement 3 chapitres) est plus noire, un brin moins poétique tout de même, mais donne plus de cohérence à l'ensemble. Le ton est le même jusqu'à la fin: l'auto-dérision n'est jamais loin, ni le second degré. Une distance qui sert le film, en cela qu'il permet d'alléger la violence du propos, mais le dessert également en privant le spectateur de toute émotion dépassant la simple contemplation.