Bon alors, je donne mon avis !
Après avoir beaucoup entendu parler de ce film avant sa sortie (un très bon coup de com, avec ces affichettes, dans la provoc: du LVT quoi.) il me tardait de voir ce film. J'avais vu Melancholia, j'avais recherché sur Antichrist (que j'avais décidé de ne pas regarder au vu des notes sur Allo... ça ne me tentait pas vraiment. Au final, Melancholia m'avait amenée sur une piste comme quoi LVT pouvait être un réa de grand potentiel, je n'avais juste pas été en symbiose avec le film, quoique difficile à appréhender.
Mais enfin, c'était avant Nymphomaniac. Quel film... Quelle claque. Oui, Nymphomaniac est un film avec ses difficultés qu'on pourrait interpréter comme défauts. La réalisation n'est pas du tout propice au grand public et le film en général ne se prête pas au schéma du film classique. Le tout dure 4h, et les deux volumes ne sont qu'un prétexte pour alléger le film (idée maladroite puisqu'idéalement les volumes sont à enchaîner puisque la fin du Volume I n'est pas une fin, c'est juste la coupure jusqu'à la suite). Ensuite, les scènes se succèdent, parfois sans beaucoup de dialogues, c'est assez longuet et on frise parfois le contemplatif. Viennent ensuite les dialogues, quand il y en a. Occasionnels, ils sont ambivalents : il y a les dialogues dans le récit de Joe qui sont tout à fait accessibles et même assez simplets. Ils ne sont pas centraux. Et puis il y a toute la construction de dialogue entre les deux protagonistes: Joe et l'homme qui l'a recueillie. Et là c'est réellement intéressant et parfois assez difficile à saisir puisque dialogues intellectuels (ça parle de Freud, de Bach, de pêche... C'est très technique, j'ai eu du mal à comprendre les passages sur la pêche d'ailleurs.) mais au final ça vaut le coup.
LVT frappe fort, et Nymphomaniac succédant à Antechrist, on n'est donc pas étonné aux références religieuses diverses qui viennent se calquer sur le récit de Joe avec comparaisons. Ça ne m'a pas dérangée, puisque toutes les comparaisons étaient bienvenues, surtout celle avec la polyphonie de Bach c'était très bien trouvé... C'est une manière nouvelle de nous faire voir le sexe, et en même temps là vient une autre difficulté de réalisation : la présence écrasante de scènes de sexe (je parle de la version non censurée que j'ai vue). Evidemment, c'est plutôt répétitif du point de vue global même si justement LVT a eu recours à quelques stratégies comme j'en parlais plus haut pour détourner du sexe pur, de la pornographie.
Enfin, avec tout cela, LVT nous laisse devant une oeuvre indigeste, et c'est tant mieux: le spectateur devra faire avec. Le but n'est pas de toucher des foules, puisqu'évidemment le format et les caractéristiques du film ne s'y prêtent pas.
Enfin, vient mon ressenti, ensuite. J'ai adoré ce film, mais après coup. C'est quand j'ai terminé les deux volumes que je me suis rendue compte de la claque que j'avais prise. J'ai été happée par le film, notamment par cette fin surprenante et d'une violence rare... Parce que le récit commence sur une note un peu insouciante (Joe jeune, les scènes se succèdent rapidement, elles rient entre copines, la scène des cuillères...) et on s'y prend facilement. Le premier volume passe vite. Vient ensuite le deuxième volume, auquel je me suis heurtée avec un peu plus de difficulté. Celui-ci est d'un coup plus morne d'apparence, plus lourd, plus gris. Joe est une femme, elle vieillit. Elle n'est plus cette jeune fille dans la fleur de l'âge qui jouait de son physique pour appâter les autres hommes, et s'en débarrasser.
Joe est une mère, elle est même en couple.
Mais sa nature demeure, même si elle tente de se faire soigner. Quand la jeunesse disparaît, la perversion reste. Et c'est là le thème central du film: les liens qu'entretient l'Homme avec sa sexualité, ses instincts.
On naît avec une sexualité, des préférences et des perversions. Certains vivent une sexualité épanouie, "normale", alors que d'autres se trouvent victime d'une malédiction, d'un fardeau: des préférences handicapantes en société, et pour soi-même du coup. C'est le cas avec la pédophilie, la nymphomanie et puis le sado-masochisme, c'est ce qu'on nous montre dans le film. On ne peut pas s'en séparer, et de fait, nous subissons: le pédophile est contraint à refouler ses désirs, et à mener une vie privative, parce que son désir est un crime condamné et condamnable. Le masochisme est illustré dans le cabinet où les femmes attendent toutes l'air grave, avant de reprendre leur vie de famille tranquille où elles nient leur nature. Et la nymphomane... Eh bien celle-ci peut céder à ses pulsions, mais à quel prix ? Mutilations corporelles, psychologiques et surtout, stigmatisation de la part de la société. LVT marque un féminisme sur ses opinions en évoquant avec justesse le sexisme qui sépare nymphomanes et "Dom Juans" : des femmes et hommes ayant des addictions sexuelles. Quand l'une est jugée, l'autre est loué. Au final,
le fardeau de la perversion de Joe est tel qu'elle ne se trouve sans d'autre choix d'éradiquer le sexe de sa vie
.
Un autre thème dont voulait traiter LVT: l'hypocrisie. Joe le dit elle-même: si elle devait trouver un adjectif pour qualifier les hommes, elle les décrirait hypocrites. Et c'est là en rapport direct avec la conclusion finale:
qui donc n'a pas été dupé par le jeu de l'homme qui a recueilli Joe ? Plus le film passe, plus leurs dialogues font noeud, plus ils entrent en lien l'un et l'autre. Au final, l'un et l'autre se confient sans tabou sur leur vie et leur sexualité : il est vierge, elle est nymphomane. A la fin, on y croyait quand ils se quittent amis. Mais la scène finale révèle l'opinon de LVT: 1) L'homme est hypocrite. 2) L'homme a des pulsions, il ne pourra s'en défaire.
C'est très freudien, et on ne s'en étonne pas qu'il soit cité dans l'oeuvre. L'hypocrisie est aussi présente chez Joe quand elle recrute "P" (la jeune fille à l'oreille déformée) sous couvert de lui dire en premier lieu la raison de son rapprochement avec elle.
La vengeance de P sera sans attente, elle aussi faisant preuve d'hypocrisie avec Jerôme, plus perfide encore.
Au final ce film est aussi un bon manifeste sur la nature humaine: c'est un films avec ses défauts, ses lenteurs, mais aussi avec ses hauts et des moments où on touche la grande intensité du doigt. La scène avec Uma Thurman en mère névrosée est d'une splendeur... J'ai adoré.
Evidemment, la fin ensuite m'a mis la claque, j'avais les larmes aux yeux. Au final, ce film je le prends comme il est et je l'apprécie. C'est un film qui fait l'éducation, je trouve.
PS: je me suis permise de donner mon avis sur les deux volumes, sachant qu'ils ne forment qu'un au final, et que ceux qui ont vu le II ont en théorie vu le I aussi.