Tout d'abord, j'avoue que j'avais vraiment envie de voir ce film. Pourquoi? car je pouvais m'identifier au personnage, même âge que moi, même période de découverte de la musique electro-garage que moi, même parcours festif, mêmes aspirations et aussi désillusions. Bref, un film qui me parle! Au final, j'ai envie d'être indulgent avec ce Eden alors qu'il est le prototype du film charmant, attachant mais terriblement imparfait et frustrant.
Je m'explique : commençons par la force du film et qui le rend si attachant, je veux parler de la mise en scène et de la narration. C'est léger, poétique, subtil, d'une fragile maîtrise avec une construction bien amenée, fluide et quelques idées de réalisation rafraîchissantes telles que l'incrustation de personnages récitant une lettre que lit le héros ou le texto qui s'affiche en live. J'ai envie globalement de saluer le talent de Mia Hansen Love, réalisatrice très prometteuse et inspirée dans sa façon de raconter une histoire, en l'occurrence celle de son frère DJ sur une période de 20 ans. Mia Hansen Love nous montre notamment dans ce film une évidente faculté à nous conter l'intime et les moments anodins bons comme mauvais de la vie. En revanche, je suis obligé d'en venir aux gros défauts du film qui ont pu faire fuir certains et qui m'ont personnellement horripilé. L'énorme souci d'Eden est son manque total de réalisme et d'authenticité. Ce qui peut paraître paradoxal dans un biopic. Mais que ce soit au niveau du choix d'acteurs, de la réalité de l'émergence de la scène electro et de sa transformation, de l'évolution des personnages à travers 20 ans d'histoire, c'est complètement à côté de la plaque.
Commençons par le choix des acteurs. Je ne peux que constater que bon nombre des personnages sont très mais vraiment très mal interpretés. En vrac, je citerai la mère affreuse de fausseté alors que ce personnage est central dans la compréhension du personnage principal, ensuite le complice Cheers du héros, Stan, très mauvais, plat et le charisme d'une huitre, ou encore le pote tourmenté et suicidaire dessinateur de BD d'une fadeur sans nom. Sans compter les "Daft Punk" complètement désincarnés et insignifiants (pourtant j'aime bien Vincent Lacoste). Heureusement, 2 ou 3 acteurs émergent et du coup paraîssent extraordinaires en comparaison. A commencer par le héros, Paul, où Félix de Givry amène une jolie justesse et une fraîcheur à saluer. Louise, incarnée par une Pauline Etienne très prometteuse, et le mec de Nova interprêté remarquablement par Vincent Macaigne, l'acteur qui monte et à suivre de près. Franchement, une découverte pour moi. Bref, 1er écueil au réalisme du film, le jeu d'acteurs à la qualité très inégale.
Ensuite, 2nd écueil, la peinture de l'époque 1992-2000, soit l'émergence et le déferlement de la culture électro avec ses nouvelles stars musicales du moment, j'ai nommé les DJ's. Cette période est restituée et reconstituée très platement. C'est fade alors que ce mouvement constituait un véritable big bang musical à l'époque. Rien de tout ça à l'écran. On ne ressent pas du tout l'effervescence de ce nouveau courant qui allait tout emporter sur son passage et la jeunesse de l'époque avec. Un exemple,
quand le fameux Stan dit au héros dans une séance de mix chez eux avec un ton d'une platitude atroce "oh t'as écouté le dernier keri Chandler?". Mais bordel, à l'époque, quand on écoutait un nouveau morceau et un nouveau son, cela explosait notre cerveau, c'était une révélation. Ici, c'est comme si les dj de la scène parisienne étaient blasés avant l'heure alors que c'était tout le contraire!
Enfin, dernier écueil au réalisme et à la crédibilité du film. Le manque total d'évolution physique des personnages à l'écran. Le héros garde exactement le même visage, la même expression en 1992 à 20 ans qu'en 2013 à 40 ans!! Alors que le mec a quand même enchaîné désillusions sur désillusions et s'est bourré de coke dans le pif pendant 15 ans. Faut pas exagérer là, il a pas pris une ride, n'est pas du tout marqué, a la même coiffure, la même gueule de 20 ans. C'est une faute de très mauvais goût inadmissible de nos jours. Je sais pas moi mais il existe de très bonnes maquilleuses dans le métier ou alors ils auraient pu prendre un acteur jeune et un plus vieux. D'ailleurs, ce constat vaut pour tous les personnages. Chaque acteur est rigoureusement le même en 92 qu'en 2013. Franchement...
Au final, et c'est un miracle, j'ai réussi quand même à prendre du plaisir à voir et suivre ce film. Peut-être aussi que la qualité de la bande son aide mais pas que. A voir malgré tous ses énormes défauts. C'est je pense la force d'une grande réalisatrice!