Eden retrace l’histoire de la french touch dans les années 90, qui perdurera dans les années 2000, jusqu’à nos jours. Au delà de dépeindre le parcours d’un DJ, le film est le manifeste d’une génération, il porte les prémisces d’une ère qui commence à se dessiner, bien que le recul temporel reste encore insuffisant pour parler de la représentation d’une époque révolue.
Le film est construit en deux parties, mais une récurrence de forme est apparente : le déroulement narratif, qui s’étend sur une vingtaine d’années, est ponctué de scènes de boîtes de nuit, de soirées. A travers cette récurrence, on observe l’évolution du personnage, et, plus généralement, de la musique électronique. La première rave party montre déjà l’importance de la masse, illustre le phénomène qui commence à se mettre en place. Une scène avec des lumières très saccadées, qui désarticulent le mouvement des personnages qui dansent, souligne cet aspect encore incertain de la musique, qui va se construire au fil des années. L’amplification du phénomène est observable par l’échelonnage des plans au fil des différentes soirées, qui tend de plus en plus à capter la foule, avec des plans d’ensemble qui s’éloignent de plus en plus d’une individualité au sein du cadre.
Cependant, le personnage principal, Paul, ne connaît pas la même ascencion que la musique électronique ; sa vie sentimentale et professionnelle n’est jamais un franc succès. La dernière scène, conclue son extraction progressive de ce monde de la nuit, avec un travelling arrière lent sur la femme qu’il regarde mixer un morceau des Daft Punk. Ironie du sort, puisque la réussite fulgurante de ce groupe est le reflet indirect de la fin de son propre duo. L’épilogue poétique prolonge le souffle qu’il trouve dans son groupe d’écriture : le film ne raconte pas l’histoire d’un échec, mais d’une passion, d’une génération.
Paul est l’emblême de ces années, de cette « génération Y », qui peine à grandir, et se retrouve confrontée à la réalité de l’âge adulte tardivement.
Eden, comme un jardin onirique et sacré, donne ses lettres de noblesse à une génération, delaquelle nous avons l’impression de faire encore partie. Notre existence est comme des points de suspension au film, nous nous sentons à la fois nostalgique d’une ère que Eden semble capturer, enfermer dans un passé révolu, et en même temps fiers et sensibles à la valorisation de cette culture.