Coup de folie assuré !!
François Truffaut, qui est déjà passé par "Les 400 coups et "Tirez sur le pianiste", s'imprègne de l'atmosphère gravée à l'eau de roche dans le roman éponyme de Henri-Pierre Roché. Et là, Truffaut signe une ode à la vie et à la liberté. Une pure merveille !!
Scénario du film : Vers 1900. Jules, allemand, et Jim, français, rencontrent Catherine. Elle va aimer l'un puis l'épouser, et tomber amoureuse de l'autre après la guerre.
Un très beau triangle amoureux, et sans doute l'un des meilleurs films sur l'amour à trois, à n'en pas douter !
La première partie du film décrit subtilement la personnalité de nos deux copains artistes et forment à deux l'homme parfait étant donné qu'ils passent tout leur temps libre avec Catherine. La seconde partie amorce le virage de la liberté des femmes et de leur domination dans un couple. Truffaut y trouve là son point d'ancrage pour une famille parfaite (le père, la mère et l'enfant) et trouve un équilibre certain sur lequel repose le film. Femme libre (pour Catherine) mais qui marque les repères indispensables à l'enfant, à savoir les règles de bonne conduite. La femme libre s'apparente ici au début de la contestation pré-soixante huitarde (plus de liberté, le travail des femmes et non plus la femme qui reste au foyer) et François d'aborder le traitement des femmes par leurs maris. Toute cette sauce me fait penser à du Douglas Sirk bien évidemment.
Pour parler scénario, il coule de source (et additionné à la musique douce, too much de Georges Delerue jusqu'à pasionaria, nous envoie dans un tourbillon où narration-scénario-musique s'englobent pour ne faire qu'un), et c'est avec un magnifique et immense bonheur que ceux qui ont lus le roman se remémoreront les instants précis (de Henri-Pierre) adaptés par un maître en la matière : Truffaut (qui en profite aussi pour improviser au cours des deux mois). La scène finale (sur le pont puis dans le cimetière) traduit invariablement ces instants magiques. Et la perle de chez perle, c'est bien sûr la chanson ("Le tourbillon") que chante Catherine (il s'agit d'une improvisation !) !! Jeanne Moreau, dans le rôle de cette femme, y est subliminale à souhait. A chaque instant, elle illumine l'écran de son jeu hors norme, tout en nuance. Une actrice géniale et une ogresse de talent. Bingo. Tout simplement. Suivi par deux grands acteurs du moment : Henri Serre (vu par la suite dans "Le feu follet" de Louis Malle, puis "De guerre lasse" d'Enrico), dans le rôle de Jim et Oskar Werner (il faisait ses débuts dans "Lola Montès" (d'Ophüls) et joua dans "L'espion qui venait du froid", le roman de John Le Carré adapté au cinéma par Martin Ritt), regretté, en Jules, tous les deux à fleur de peau et montrent que jouer la comédie est une affaire de professionnel. Avec aussi Marie Dubois (qui a "tiré sur le pianiste"), dans des apparitions délectables. C'est aussi une affaire de cœur. Ils nous le prouvent, et ça, c’est tout bonnement magique.
François Truffaut nous envoie sa magie faite de bric et de broc (les instants émotionnels de "Jules et Jim" : scènes où ils font la course, où ils ont perdu leur chemin, sur la plage (culte par ailleurs)...) et nous emmène dans son manège enchanté dans lequel on retrouve toute la poésie de son film. Pardon !, son œuvre.
Pour conclure, "Jules et Jim" est non seulement un chef-d’œuvre, mais aussi un passage obligatoire pour tout cinéphile. On ne devrait pas dire "Jules et Jim", mais "Jules, Jim et Catherine".
Spectateurs, ceci n'est pas un film, mais bien l'âme de Truffaut. En compagnie d'une Jeanne Moreau en or, enfançoissisons-nous !... rien que pour ce chef d’œuvre en N&B (de qualité, bien sûr).
Un délice de chez délice.