30 après sa première apparition au cinéma, le plus célèbre hors-la-loi justicier fait son retour dans l’une des productions les plus ambitieuses des années 1930, signée par la Warner Bros.
Depuis le début de la décennie, le studio a fait sa réputation grâce aux comédies musicales et aux films de gangsters. Mais depuis la mise en application du restrictif Code Hays en 1934, les scènes obscènes et violentes sont bannies du grand écran, et en conséquence, les studios non pas d’autre choix que de se réinventer, en particulier la Warner, qui a fait son succès sur le registre censuré par le Code Hays. Le premier projet du studio en ce sens est le Songe d’une nuit d’été, adapté de la pièce de théâtre éponyme de Shakespeare, dès 1935, avec des acteurs plus habitués aux rôles de gangsters, comme c’est le cas pour James Cagney. C’est un consultant du film qui propose à la Warner l’idée de la prochaine adaptation, celle de Robin des Bois, afin de concurrence la Metro-Goldwyn-Mayer et ses films de cape et d’épée. Mais à la même période, la MGM envisage de poursuivre sur le genre musical de l’opérette, qui fait son succès récent depuis La Fugue de Mariette (1935), en mettant également en scène l’histoire de Robin des Bois. L’ennui, c’est que la Warner possède les droits pour l’opéra-comique et que la MGM possède des scénarios originaux de l’histoire. Un marché est donc conclu entre les deux studios pour que chacun obtienne ce qui l’arrange, à savoir, ce que l’autre possède.
Un premier scénario est rédigé mais finalement abandonné, faute de convaincre la production, notamment en raison de l’absence du personnage de Lady Marian. Après l’engagement de deux nouveaux scénaristes, le script finit par être bouclé. Pour donner à sa nouvelle production toutes ses chances de séduire le public, la Warner adopte le procédé du Technicolor trichrome, une amélioration du procédé original mise au point en 1928 et qui permet pour la première fois de reproduire toutes les couleurs. Malgré quelques réticences de la part du public pendant la première moitié des années 1930, qui trouve que les couleurs sont trop saturées, Disney parvient à exploiter le potentiel de cette nouvelle technologie dans Blanche-Neige et les Sept Nains, son premier gros succès au box-office, en 1937. Dès lors, le Technicolor trichrome devient la norme pour les productions au gros budget, y compris pour Les Aventures de Robin des Bois, permettant de mettre en valeur la multitude de couleurs des costumes et d’apporter une touche de fraîcheur à cette comédie d’aventures.
Initialement, c’est James Cagney, déjà sous contrat avec la Warner, qui est choisi pour interpréter le célèbre Robin des Bois, consacré par la critique grâce à sa prestation dans l’Ennemi public (1931), où il joue le rôle d’un charismatique gangster. Cependant, Cagney entre en conflit avec le studio et abandonne son rôle, laissant la place vacante. La production se tourne donc vers Errol Flynn, fort de son succès dans Capitaine Blood (1935). A ses côtés, la ravissante Olivia de Havilland incarne Lady Marian. L’actrice britannique est déjà connue du grand public puisqu’elle a joué avec Flynn dans Capitaine Blood, mais également dans Le Songe d’une nuit d’été de la Warner.
Adaptée de multiples fois depuis la production de la Warner de 1938, l’histoire de Robin des Bois est très connue mais il n’est jamais vain d’en rappeler la teneur. Au XIIème siècle, le roi d’Angleterre Richard Cœur de Lion, parti en croisades, est capturé par le roi Léopold V d’Autriche et exige une rançon. Mais son frère, le prince Jean, refuser de payer et usurpe le trône, aidé dans sa traîtrise par Sir Charles de Gisbourne et le shérif de Nottingham. Face à eux, Robin de Locksley, seigneur saxon et archer redoutable, organise la révolte avec ses acolytes pour sauver les opprimés et rétablir le roi légitime sur son trône.
Doté d’un budget considérable pour l’époque (2 millions de dollars de l’époque, soit plus de 30 millions en dollars d’aujourd’hui) et d’un procédé de film en couleurs particulièrement novateur qui mobilise les 11 caméras de l’époque capables de filmer en Technicolor trichrome, Les Aventures de Robin des Bois ne lésine pas sur les moyens mais n’évite pas les retards dès le début du tournage. Après deux mois, le co-réalisateur William Keighley, conseillé au studio par Errol Flynn, est limogé pour ses mauvais choix et le manque de vigueur qu’il insuffle aux scènes d’action, et remplacé par Michael Curtiz, qui a déjà dirigé Flynn dans Capitaine Blood. Le cinéaste n’hésite pas à reprendre certaines séquences tournées par son prédécesseur et se rapproche même du lieu de tournage de l’adaptation faite par Douglas Fairbanks, en Californie, probablement pour donner un nouveau souffle au tournage.
Considérée aujourd’hui comme un classique du cinéma d’aventures, ce joyeux et naïf long-métrage profite d’une gaieté qui contraste avec la répression sanglante du prince Jean. Errol Flynn, digne successeur de Douglas Fairbanks, éblouit le public avec ses yeux bleus et son sourire « Colgate », au point qu’on puisse avoir l’impression d’être face à un cliché de beauté masculine. Néanmoins, autant enfant joueur et habile que jeune homme charmeur, charismatique et plein de panache, sa prestation crève l’écran et la star montante n’hésite pas à réaliser la majorité des cascades, pour le moins nombreuses et impressionnantes. Quant à Olivia de Havilland, son innocence est assez représentative de l’ensemble du film mais son charme est toujours aussi intact. Les codes de la romance médiévale ne sont pas épargnés, à tel point que cette aventure pourrait très bien surgir d’un conte pour enfants. Quel contraste quand on compare les précédentes productions de la Warner à celle-ci. Le virage est total.
Après la dernière grande adaptation de l’histoire de Robin des Bois au cinéma, avec la version muette de 1922 où Douglas Fairbanks incarne le prince des voleurs dans des cascades de haute voltige, cette nouvelle production est l’œuvre d’un studio en quête de nouveaux thèmes, à tel point que les noms de ses deux réalisateurs ont totalement été oubliés par la postérité. Malgré le retard de tournage et l’explosion du budget de production, la Warner est satisfaite et consciente d’avoir donné naissance à une « super-production » de cape et d’épée capable de rivaliser avec les films du genre de la MGM.
A sa sortie, le film le plus coûteux du studio est un grand succès et impressionne par sa mise en scène et sa photographie, et contribue à l’essor du swashbuckler (genre de littérature d'aventure qui se concentre sur un personnage héroïque qui est habile dans le jeu d'épée, l'acrobatie, la ruse et les idéaux chevaleresques) durant cette période. Ce triomphe dans les salles s’accompagne également d’une reconnaissance lors de la onzième cérémonie des Oscars, où le film est nommé dans quatre catégories : meilleur film, meilleurs décors, meilleure direction artistique et meilleur montage. Malgré la victoire de Franck Capra et de Vous ne l’emporterez pas avec vous pour l’Oscar du meilleur film, les trois autres catégories récompensent Les Aventures de Robin des Bois et font du film le grand succès de la soirée. Depuis, la postérité a confirmé la qualité technique et le succès de ce long-métrage, en le sélectionnant pour intégrer le fonds culturel du National Film Registry et en l’honorant d’une place dans le classement du British Film Institute des films à avoir avant l’âge de 14 ans. Grâce à des décors médiévaux, des costumes chatoyants, des couleurs vives, ainsi que de nombreux figurants et cascadeurs, Les Aventures de Robin des Bois dispose de moyens considérables ayant fortement contribué à son succès. Toutefois, cette comédie d’aventure au ton guilleret et ingénu, bien que considérée comme un chef d’œuvre, ne doit pas être vue avec l’intension de trouver une trame dramatique ou réaliste. Ici, l’important, pour le spectateur comme pour Robin des Bois, c’est de s’amuser.