En un mot : flamboyant !
Qui ne connaît pas le célèbre redresseur de torts qui fit face à l'infâme Prince Jean et au shérif de Nottingham ? Qui ne connaît pas celui qui tomba amoureux de Lady Marianne ? Ou tout simplement, comment ne pas connaître cette version de 1938 pour tout fan de films d'aventures et/ou tout fan de cinéma ?
"Les aventures de Robin des Bois" fit une entrée colossale dans les années 1930 : il permit aux studios Warner (société de production formée officiellement en 1923 par les quatre frères juifs polonais Sam, Jack, Harry et Albert) de fabriquer un blockbuster avant l'heure (le film étant le plus cher jamais réalisé auparavant !).
Après le succès de la version muette d'Allan Dwan ("Robin des Bois et les pirates") avec Douglas Fairbanks dans le rôle-titre, c'est au tour de William Keighley (réalisateur du "Vagabond des mers" parmi d'autres) de régler les aventures du héros sherwoodien. Accusé de montage languissant, les frères Warner l'éjectent et embauchent un maître en la matière (Michael Curtiz) pour calibrer des scènes d'action digne d'un film d'aventures ; Michael Curtiz qui s'est déjà imposé dans tous les genres : policier ("Le mystère de la chambre close"), aventure ("Capitaine Blood"), drame ("Furie noire") et horreur ("Docteur X") notamment.
Projet fini (après des déboires de budget), c'est donc un "Robin des Bois" moderne et prenant les codes du film d'aventures pour affirmer le film de genre capes et épées. La relecture d'un mythe mise en scène par Keighley et le talentueux Curtiz.
Dans la peau du sauveur de Sherwood, nous avons bien entendu le moustachu Errol Flynn (immortalisé à jamais par ce rôle de séducteur romantique) qui décoche toutes les cibles sur son passage. Charismatique, hautement, finement et criblement fléché, son personnage s'octroie d'une onctueuse ironie au travers de son rire naïf : une jubilation en d'autres termes ! Il s'agit pour moi d'une interprétation digne de ce nom, à l'anglaise, car calculée et classieuse. Fléchoyante pourrait-on dire. Totalement flamboyant !, même. A ses côtés, une Lady Marianne incarnée par une Olivia de Havilland (avec Errol à la ville comme à l’écran, ils forment un couple de vedette de l’âge d’or du cinéma, surtout pour Michael Curtiz : « Capitaine Blood », « Les conquérants », « La charge fantastique ». Elle jouera aussi dans « Autant en emporte le vent ») servant de prétexte et de fil conducteur pour faire avancer le film à mon goût. Pas sa meilleure composition pour ma part, je pense. Avec aussi Eugene Pallette (crédité dans le fameux « Naissance d’une nation » de Griffith, l’un des créateurs des Artistes Associés) dans le rôle de Frère Tuck et Alan Hale (débutant dans « Les quatre cavaliers de l’Apocalypse », on le retrouvera la décennie suivante chez Capra (« New York-Miami ») et dans le péplum « Les derniers jours de Pompéi ». Il terminera sa carrière en apparaissant dans les séries « Les incorruptibles » et « Magnum ».) campant Petit Jean, convaincants à souhait, leur rencontre avec Robin titillant nos zygomatiques. Du côté des méchants, nous avons affaire à un tandem de roi infernal. Claude Rains (« L’homme invisible » de Whale le rendit célèbre, il fut nominé pour sa prestation dans « Casablanca » et se vit attribuer l’un de ses derniers rôles pour « Lawrence d’Arabie ») et Basil Rathbone (connu du public pour avoir interprété le fin limier Holmes dans 14 métrages parmi lesquels « Sherlock Holmes », premier du nom, « La voix de la terreur » (1942)…) forment le duo comploteur, respectivement Prince Jean et Gisbourne, antipathique au possible accompagné de Melville Cooper (vu dans le premier film américain d’Hitchcock (« Rebecca »), « Les contrebandiers de Moonfleet » de Lang) dans le rôle du shérif de Nottingham. Dans ce trio, c'est bien sûr Claude Rains qui se taille la part du lion. Super boulot, Claude ! Et pour terminer côté casting, nous avons affaire, dans le personnage du prisonnier retenu en Autriche, à Ian Hunter (jouant pour Hitchcock dans les années 1920 : « Le masque de cuir »…) alias Richard Cœur de Lion, impec'.
La musique s'ajoute à ce film de capes et d'épées. Se faisant vieillotte au tout début puis se parant de mille feux lors du combat final dans le château, elle arrive à s'imposer envers et contre tous (et nous !). Alternativement douce, rougeoyante, verdoyante et alambiquée (tout comme le majestueux Technicolor trichrome utilisé), elle se fait le frère d'arme et l'alter-ego de Michael Curtiz (pour info, c'est Erich Wolfgang Korngold le compositeur. Il a signé les partitions de "Capitaine Blood" et "L'aigle des mers" notamment !). Ces deux éléments (musique et couleurs) font que cet opus de "Robin des Bois" soit toujours prêt à nous revigorer. A musique revigorante, décors somptueux (le château est bigrement bien réalisé) !
Le rythme qui en découle n'en est que prometteur (Curtiz ne va pas nous dire le contraire) malgré une légère baisse de tension en seconde partie de film. Le duel final (entre Flynn et Sir Basil) et les caméras englobant la dernière bataille font que notre engouement se réveille pour nous montrer que le cinéma des 30's est bien arrivé à son apogée. De plus, le début l’est tout autant grâce au livre ouvert que nous proposent les deux réalisateurs.
Quand la Warner imposait son héros dans un Technicolor parfait, Errol Flynn décochait ses flèches entre Sir Basil et la belle Olivia. Spectateurs avertis, pour "The adventures of Robin Hood", film mythique du septième art, c(o)urtizez vous !