Le tueur fou de l’Oise est ici au centre d’un film noir profondément réaliste qui renforce la tendance du film policier inspiré de faits réels en France. Inspiré d’un fait divers hautement médiatisé en 1978, fin d’une décennie mouvementée dans l’hexagone, le film de Cédric Anger ne s’adresse pas à tout un chacun du fait d’une noirceur insoluble qui frise parfois la pathologie exacerbée. Le gendarme tueur, assassin en série qui fît des victimes alors qu’il enquêtait lui-même, au sein de la gendarmerie nationale, sur ces vagues de meurtres et d’agressions. Drôle d’histoire, oui, drôle d’histoire, qui pourtant, de par son traitement, n’est jamais vraiment surprenante. On conçoit dès les prémices du long-métrage les difficultés d’intégration et la folie du dénommé Franck, gendarme passablement solitaire, maillon quelconque d’une famille disparate, baroudeur esseulé dans une société qu’il n’aime pas, dont il n’apprécie ni les mœurs ni les joies. Guerrier face à l’homme, seul contre tous, le bonhomme cache pourtant bien son jeu, caméléon parmi les plus altruistes. Mais pourra-t-il continuer longtemps sur ce chemin boueux?
Le potentiel d’un tel portrait criminel avait de quoi faire saliver. Seulement, au final, il n’en ressort qu’un film à l’académisme frappant. Bien qu’Anger ait opté pour le strict point du vue du tueur, faisant passer l’enquête policière au troisième plan, une romance vient polluer l’ensemble, l’originalité de l’œuvre n’est jamais prégnante. Tout ça, malgré la noirceur insufflée, malgré les paysages gris, mornes, est lisse, diablement lisse et par-dessus le marché, jamais choquant. En somme, le réalisateur s’emploie, sans audace particulière, à dérouler son récit, sans prise de risque artistique, sans ambivalence, faisant de son tueur, certes un personnage réel, un fou ni plus ni moins. Par l’entremise de quelques belles diatribes en voix-off, Anger souligne la folie de son personnage, le centre d’attention de chacun alors que l’univers qui l’entoure n’est jamais ni intéressant ni même capable d’intervenir dans le déroulement du drame. A ce titre, la présence d’une hypothétique petite amie, la relation n’est jamais captivante, ne vient que renforcer l’échec du film à voir autre chose que le psychopathe et sa folie meurtrière.
Bien que peu convainquant sur le plan narratif, soulignons tout de même que la réalisation de Cédric Anger, d’un point de vue technique, s’avère parfaitement adaptée. Le metteur en scène choisis finement ses décors naturels, procède savamment aux réglages visuels et offre une excellente bande sonore, notamment musicale, en guise de confirmation d’un certain talent dans le métier. On sent le réalisateur capable de bien belles prouesses, ce qui renforce un peu la déception de la mollesse du scénario. Notons que La prochaine fois je viserais le cœur c’est aussi une apparition remarquée pour le célèbre comédien qu’est Guillaume Canet, ici à la limite de One Man Show macabre. L’acteur, il faut le dire, pas forcément reconnu pour sa vivacité et son charisme, s’adapte parfaitement à ce rôle diabolique et malsain, composant très justement les caractéristiques de ce monstre mais aussi son savoir-faire pour se cacher dans la masse. Bien que son personnage soit détestable, l’acteur signe une prestation tout-à-fait honorable.
Voilà en somme un film dans l’air du temps, appliqué, qui nous renvoie volontiers bientôt 30 ans en arrière, en témoigne les costumes, les différents véhicules. S’appropier un tel fait divers est une chose délicate et l’on peut finalement affirmer que Cédric Anger ne s’en est pas si mail sortit. Sans doute trop lisse pour faire date, La prochaine fois je viserais le cœur démontre tout le potentiel filmique du fait divers redécouvert, malgré le danger de rouvrir des plaies et de rappeler le peuple au mauvais souvenir d’une époque révolue. 10/20