Muni d’une filmographie aux films oubliables, à l’exception du sympathique Lars and the Real Girl, et destinés principalement aux adolescents, la comédie potache Mr. Woodcock et le remake de Fright Night en témoignent, Craig Gillespie poursuit sa collaboration avec Disney entamée avec son précédent film, Million Dollar Arm, et vient donc mettre en scène pour eux l’opération de sauvetage d’un pétrolier qui eut lieu au début des années 50. Un fait divers très connu aux Etats-Unis mais beaucoup moins par chez nous, qui traduit donc l’envie d’un film 100% américain porté par un yes-man du studio et qui est condamné à errer dans la masse de ces œuvres inspirées de fait réels sans éclats et académiques qui voient régulièrement le jour. Ce genre de produits cinématographiques, on en voit des dizaines par an et n’ont, en apparence, plus rien à offrir au cinéma, ni même aux spectateurs. D’où une campagne promotionnelle frileuse qui essaie de faire passer son film dans la plus grande discrétion.
Il faut dire qu’ici il n’y a pas grand chose à se mettre sous la dent, le scénario s’avère très classique et sans surprise. En découpant la narration en 3 points de vue, celui du garde-côte, qui fait office de personnage principal, celui de sa femme ainsi que celui du « chef » des membres d’équipages coincés sur le pétrolier échoué, le film ne fait pas le choix le plus judicieux car il s’encombre de la sorte avec un rythme en dent de scie et de sous-intrigues inutiles et poussives pour comprendre l’état d’esprit de certains personnages. Jouer la subtilité et les non-dits aurait eu plus d’impact ici, permettant de réduire un récit parfois trop long et d’en enlever les passages les plus laborieux. Tout ce qui entoure la femme du garde-côté est, par exemple, un ratage complet. Ces scènes sont mal-amenées et très lourdes, soulignant un travail d’écriture bancal. Ce sera la partie sauvetage et celle sur la survie de l’équipage du pétrolier qui se montreront les plus efficaces même si elles n’évitent pas un nombre assez important de clichés propres au genre, entre les querelles pour le commandement et le passif tragique du héros. Néanmoins la personnalité frustrée du héros détonne dans ce genre de films, apportant une touche de fraîcheur dans le récit et une empathie plus prononcée. De plus les séquences sur le pétrolier, malgré leurs aspects déjà-vus, fonctionnent vraiment tandis que le film gère son classicisme avec intelligence distillant ici et là un charme désuet qui fait son œuvre même si on n’évite pas une touche de pathos qu’on aurait aimé éviter.
On se retrouve face à un casting qui souffle le chaud et le froid. Les acteurs ne sont pas mauvais en soi mais certains semblent totalement effacés et ne font que le strict minimum pour habiter le récit, comme Eric Bana qui ne semble être là que pour cachetonner. Globalement les acteurs ont du mal à sortir de leurs caricatures, offrant des performances assez limitées à l’image de Holliday Grainger qui peine à convaincre dans son rôle. Elle n’a jamais assez de convictions pour être aussi forte et indépendante que son personnage et est trop détachée pour que l’on ressente son inquiétude. Finalement les plus convaincants sont le duo principal et Ben Foster qui n’a pas d’autres choix que de faire le minimum, vu le peu de place laissé à son personnage, mais qui le fait avec toute l’intensité et le talent qui le caractérise. Chris Pine fait quant à lui un héros convaincant, offrant une prestation honorable sans pourtant être mémorable, et c’est vraiment Casey Affleck qui marque le film de son empreinte. Il est ici très bon comme à son habitude et irradie l’écran par son charisme et sa subtilité de jeu.
La mise en scène de Craig Gillespie arrive à distiller ici et là de bonnes idées, notamment durant les passages sur le pétrolier qui retranscrivent bien la claustrophobie du lieu et la détresse des personnages. Globalement elle se montre maîtrisée et efficace, n’hésitant pas même à placer des mouvements de caméras ambitieux qui traduisent une volonté de ne pas rester sur ses acquis assez admirables mais pas entièrement tenue. Car, hormis les passages en mer vraiment réussis par leurs tensions et leurs rythmes, malgré un ou deux enchaînements de plans assez illisibles, les passages sur la terre ferme se montrent quant à eux fades et génériques. Il est donc dommage que ces passages sur la côte prennent beaucoup trop d’importance et ce n’est pas aidé par un montage qui fait trop de parallèles grossiers entre les événements en mer et ceux sur terre, alourdissant le rythme et accentuant le pathos. L’aspect larmoyant n’est pas non plus aidé par la musique pompeuse de Carter Burwell, qui est bien loin de son travail pour les frères Coen. Il est aussi dommage que les effets spéciaux du film ne soient pas toujours au point et que beaucoup de fonds verts soient trop visibles mais cet aspect est légèrement atténué par une photographie léchée
The Finest Hours est donc un film totalement oubliable mais pas entièrement honteux. Il n’apporte clairement rien au paysage cinématographique, est muni de plusieurs passages ratés et mal écrits et ne dépasse jamais son classicisme qui apporte beaucoup trop de pathos. L’ensemble est finalement sauvé par une mise en scène qui à ses fulgurances et une efficacité constante de la partie sauvetage même si elle est attendue. Le casting maintient le film à flot mais ne se révèle pas mémorable tandis que le spectateur est ballotté entre les moments agréables et ceux agaçants au sein d’une oeuvre qui tangue entre ses deux niveaux de qualités. Pas terrible donc mais vu la quasi-absence de campagne promotionnelle et le projet en lui-même, on aurait pu s’attendre à bien pire.