Malgré au moins deux sérieux défauts, le film est brillant.
Premier défaut, le côté artificiel du scénario. Le film est tiré du récit d’Emmanuel Carrère qui a remarquablement tracé la vie extraordinaire de Limonov mais, autant le livre de Carrère donnait de la consistance, de la profondeur à la personnalité asociale, mégalomaniaque, antipathique de Limonov, autant le film peine à l’incarner, lui faisant passer les différentes étapes paradoxales de sa vie, sans transitions, sans explications. Il fait la part trop belle à la période américaine de Limonov et solde ses vingt dernières années, celles où il devient un homme politique russe, « national-bolchevik », en vingt lignes. On ne sait pas quel est le point de vue de Serebrennikov sur Limonov : un enfant perdu, un amoureux éconduit inconsolable, un mégalomane, un décadent, un poète, un universaliste ? On passe d’une facette à l’autre sans cerner la complexe authenticité du personnage.
Deuxième défaut, rédhibitoire, l’utilisation constante de l’anglais. S’agissant d’un film réalisé par un russe, sur un russe, avec comme thèmes centraux la Russie et le communisme, c’est incompréhensible et totalement contreproductif. Certes, une grande partie de l’action se déroule à New-York mais, même aux Etats-Unis, elle fait essentiellement dialoguer des russes. On nous prive de la belle langue russe pour un américain à accent russe insupportable.
J’ai aussi des doutes sur le choix des acteurs : je ne pas sûr que Ben Wishaw, par ailleurs excellent comédien, soit un très bon Limonov. Trop sobre, trop froid, trop anguleux.
Malgré ces défauts, le film mérite d’être vu car Serebrennikov est un réalisateur de haut vol. Son précédent film « La femme de Tchaïkovski » était superbe. Certaines scènes et elles sont nombreuses, ses fameux plans-séquence, sont enthousiasmantes d’autant que Serebrennikov sait parfaitement utiliser la musique, notamment celle, à New-York, de Lou Reed et du Velvet Underground. Ce sont « les ballades » du titre du film : dans les rues de Moscou, autour d’une datcha, sur les gratte-ciel de New-York, à Paris, dans les prisons russes. C’est flamboyant et virtuose.
Un film en partie raté de Serebrennikov est malgré tout supérieur à la moyenne.