Tout le monde le sait, dorénavant, le film carcéral est par définition un genre cinématographique à part entière, malgré son évolution. Oui, si l’époque nous ravissait d’improbables mais de captivants films d’évasion, à l’heure actuelle prévaut le film brut de décoffrage, ancré dans une réalité très violente qui consiste souvent à dépeindre les durs des faibles. Ici, place à la prison britannique, cellule froides et exiguës, telles qu’ailleurs, mais mentalité relativement différente. La mise en cage d’un jeune surclassé, soit un jeune homme très violent, réputé incontrôlable, dans le même bloc que son célèbre gangster de père donne lieu à une mise en abime d’une violence primitive que réveille chez certain l’univers carcéral. Le monde dépeint dans Les poings contre les murs n’est pas rose, loin s’en faut. Rien d’étonnant donc de contempler la déchéance criminelle dans sa forme la plus brute. Un psychopathe reste lui-même quoi qu’il semble arriver. Est-il possible de changer? Les liens familiaux, même tordus, priment-ils sur la condition imparable de détenu? Quelques questions que pose le réalisateur, David Mackenzie.
Le film s’oriente clairement vers le portrait de son personnage principal, le jeune Eric, tête dure au charisme sans faille, symbôle d’une jeunesse de la rue, délaissée, planquée dans une violence souvent incontrôlable. Faisant fi de toute hiérarchie, son père, le gangster régnant sur le bagne de sa petite cellule privilégiée, le jeune homme menace de faire exploser l’équilibre précaire de cet univers bouillant. Il s’agit dès lors de remettre en place le jeune trouble-fête, une mission que semble prendre à cœur de le père. Mais un tel film ne serait pas grand-chose sans un metteur en scène inspiré, imparable David Mackenzie, et des acteurs impressionnants. Dans le rôle du jeune Eric, une vraie révélation. J’ai nommé Jack O’Connell, impressionnant de charisme, rivalisant avec les plus grands dans sa position intenable de déclencheur de catastrophe. Son attitude, sa démarche, tout transpire la violence, l’indiscipline et peut-être, un grand cœur. Le jeune homme est pourtant encadré d’un éducateur improbable, l’excellent Rupert Friend, et de son père, ici très charismatique, incarné par une valeur sûre, Ben Mendelsohn. Vous l’aurez compris, le casting est la véritable force du film.
Mais il fallait aussi une ambiance saturée de violence pour faire du film une réussite. Et cela, Mackenzie le fait très bien. Les cellules et les quelques couloirs les reliant entre elles sont quasiment les seuls décors dans tout ça. C’est certes un peu morne, mais le fait est que cela fonctionne. Ici, on hurle, on tabasse, on trafique et il est très rare qu’on rigole. D’une passe dans les douches à une séquence de remise à niveau hiérarchique, dans le sang, le film de David Mackenzie essaie tant bien que mal de débattre sur la colère, fardeau incontrôlable des détenus, notamment Eric. C’est se versant là du film qui s’avère le moins intéressant. Si les personnages sont diablement efficaces, il n’en reste pas moins que leurs motivations sont pour le moins floues.
Quoiqu’il en soit, le final laisse clairement éclater une vraie barre de dynamite de colère, de violence, et semble réveiller les liens qui unissent un père et son fils. Mais rien de mélodramatique. Non, ici tout est brut, tout est animal. Bref, le film en impose, livrant un portrait très primaire d’un détenu extraordinaire, d’une singulière brutalité. Quelques séquences, notamment la première, celle ou Eric arrive dans sa nouvelle demeure, font preuve d’un certain brio. D’autres, plus timides, voire inutiles, viennent malheureusement couper un peu le rythme. Mais qu’importe, voilà un nouveau film carcéral auquel il sera dommageable de se privé. On retiendra surtout l’explosion du jeune acteur très talentueux qu’est Jack O’Connell. 15/20