Le premier film de E.L. Katz, Cheap Thrills sortira le 23 Avril (ou dès aujourd’hui avec le magasine Mad Movies) en Direct-to-DVD sans avoir l’honneur d’une sortie en salle. Il a toutefois été projeté lors de l’édition 2013 du Paris International Fantastic Film Festival. Une vrai claque qui rend honneur au film de genre. Une chronique horrifique de la convoitise sociale et du pouvoir de l’argent. À mettre entre toutes les mains, pourvus qu’elles ne soient pas trop sensibles.
Craig (Pat Healy) est un écrivain qui doit travailler dans un garage pour combler les fins de mois. Lorsqu’il se retrouve au chômage suite à des réductions de postes (que son patron annonce après lui avoir demandé des nouvelles de sa femme), il part boire un verre avant de rentrer chez lui. Il rencontre alors Vince (Ethan Embry), avec qui il était au collège, et qu’il n’a pas vu depuis cinq ans. Les deux amis, en pleine retrouvaille se font aborder par un couple, Colin (David Koechner) et Violet (Sara Paxton). Celui-ci, ostensiblement riche, argue de fêter l’anniversaire de la femme. Peu à peu, augmentant la mise, ils proposent aux deux acolytes d’accepter des défis de plus en plus vicieux.
Ici, l’épouvante retrouve son but le plus noble, chroniquer les travers de notre société, à travers le prisme à peine déformé de l’horreur. E.L. Katz ne rajoute à l’intensité du propos, qu’une violence graphique mesurée, le gore se situant souvent hors-champ. On n’en sort pas moins totalement retourné par la violence symbolique de la situation. Cheap Thrills est un film noir et tristement lucide sur le pouvoir que peut octroyer l’argent, et surtout sur l’aliénation des masses qui se battant entre elles ne distingue plus clairement d’où vient réellement le danger.
Craig a poursuivi ses études sous l’édile de ses parents tandis que Vince devenait une petite frappe opérant notamment dans l’intimidation pourvu que des créanciers le paie pour régler leurs affaires. Mais l’un comme l’autre en sont finalement, sensiblement au même point. Tout deux ont perdu leurs illusions. L’un n’a pas réussi comme on lui faisait croire qu’il pourrait réussir. La méritocratie n’est qu’un leurre. Le second a été lâché par le système, et il a fini par se complaire dans son rôle de voyou. Parce qu’on ne leur a pas laissé penser qu’il pourrait en être autrement. Parce que chaque seconde, en allumant leur télé, on leur a dit que c’est ainsi et que l’heure n’est pas aux utopies. Alors, ni Craig ni Vince ne se rebellent contre l’autorité établie qui a contribué à leurs misérables vies. Et lorsque Violet et Colin viennent étalaient leur indécente richesse sous leurs yeux, ils ne s’unissent pas pour rétablir un équilibre. Ils ne deviennent ni guérilleros ni robin des bois. Ils deviennent ennemis, convoitant tout deux la plus haute place. Et deviennent ainsi, à la fois les jouets de l’ordre, et les garant de celui-ci. Colin déclare durant le film qu’il s’offre une séance de télé-réalité. C’est exactement ça ! N’est-ce pas le spectacle désolant que nous livre les tenants de l’audiovisuel ? Des pauvres types, prêts à s’humilier pour espérer, un jour, devenir aussi riche que le producteur du jeu, se faisant les chiens de garde de ceux qui par la sainte finance, les tiennent, en laisse, et en respect à une distance convenable. Mal vibrant de notre siècle, les opprimés préfèrent convoiter la place, à peine plus enviable, du péquin qui gagne légèrement plus qu’eux, plutôt que de s’unir pour prendre ce qui leur revient de droit : leur dignité et le fruit de leur travail. Ici, Graig considère Vince comme un raté, un sous-prolétaire, tandis que Vince jalouse sa situation qu’il juge plus enviable, alors même que son ami d’enfance est juste endetté jusqu’au cou.
Poursuivant des chimères, jugeant qu’il pourrait changer leur vie du tout au tout, en acceptant ce jeu pervers, comme ils joueraient à la loterie, les deux frères d’armes ne retourne pas leurs colts contre les tyrans, mais contre leur propre classe. Et à la fin, il ne reste plus rien de ce qui caractérisait leur humanité. Ils ne restent que des pions. Colin et Violet reste, dans l’encadrure de leur luxueuse demeure, ce qu’ils sont vraiment, l’ombre planante et lancinante de la déshumanisation financière. Pour ceux qui ont trouvé que le navet de Chapiron, La crème de la crème, représentait un sommet de subversion, voilà qui devrait leur donner à réfléchir. Cheap Thrills ne porte jamais un regard complaisant sur les bourreaux, sans s’affranchir de porter à la lumière, la responsabilité collective des victimes. Non pas parce qu’elles seraient faible, ou moins digne de porter les honneurs que l’élite, parce qu’elles sont désorganisés et égoïstes. Un appel vibrant à nous serrer les coudes, et à discerner avec davantage de lucidité qui profite réellement de qui.
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