Le secret de famille est un thème assez bateau de la littérature et du cinéma, mais çà fonctionne souvent parce que la famille, c’est un thème universel. Dans le film de François Favrat, adapté d’un roman de Tatiana de Rosnay (de plus en plus populaire chez les cinéastes) que je n’ai pas lu, la famille s’apparente à une pièce de théâtre, chacun a un rôle à jouer, chacun porte un masque affable et tient bien gentiment sa place, sans faire de vague, çà ressemble à la partition trop bien réglée d’une mélodie sans intérêt. Lorsqu’Antoine, parce qu’il traverse une crise personnelle, décide d’enlever son masque et de ne plus jouer la partition, tout déraille. Porté par un excellent casting, « Boomerang » fonctionne de la toute première image jusqu’à la toute dernière sans que jamais, on ne décroche. Moi, j’ai marché à fond dans cette histoire, elle m’a parlé : ce que ressent Antoine je l’ai parfaitement compris, et paradoxalement ce que ressent sa petite sœur aussi je l’ai compris. C’est la preuve que les personnages, parfaitement incarné par Laurent Lafitte et Mélanie Laurent, ont une vraie profondeur, une vraie complexité et ils ont du être très intéressants à incarner. Laurent Lafitte, qui aura bien pris son temps pour s’imposer au cinéma, devient un acteur incontournable dont on ne doute pas qu’il puisse tout jouer, de la comédie pure au drame intimiste, on sent qu’il en a encore sous le pied, c’est clair. Quant à Mélanie Laurent, que personnellement j’aime beaucoup depuis qu’elle m’a chamboulé dans « Je vais bien ne t’en fais pas », elle donne beaucoup dans le rôle d’Agathe, jeune femme qui freine des 4 fers devant la vérité mais qui, fatalement, la prendra en pleine face, de façon assez violente et au pire moment. A leur côté, les seconds rôles sont eux aussi très bien écrits et incarnés : Wladimir Yordanoff en père maladroit qui parle à ses enfants de 30-40 ans comme s’ils en avaient encore 10 (effarant et étrangement crédible), et aussi Audrey Dana. Son rôle peut paraître secondaire, il est au contraire essentiel car elle est le moteur qui pousse Antoine à ne pas lâcher et ne pas retourner lâchement dans sa position d’avant. Si la réalisation est assez académique, le montage lui, est un petit peu étonnant. Le film commence par une scène assez dure, on comprend vite qu’il s’agit d’un flash forward et on s’imagine que le film a commencé par la fin sauf que… non. Il s’agissait d’un mini flash forward alors que le reste du film sera parsemé de flash back. Je ne sais pas si le scénario aurait pu se dispenser de ces flash back filmés sans grande originalité (la réalité qui se mêle aux souvenirs, c’est un artifice de mise en scène presque éculé) et qui n’ont pas tous une vraie pertinence au regard de l’intrigue, mais j’imagine que c’était un peu le passage obligé du genre. La musique est plutôt sympathique, pas envahissante, plutôt employée intelligemment. Il ya bien 2 ou 3 scènes un peu pathos sur lesquelles on peut trouver à redire mais dans l’ensemble, « Boomerang » tient sacrément bien la route. Grâce à son casting, je l’ai dit, mais aussi grâce à un scenario bien écrit, qui a une certaine tenue, une vraie profondeur aussi. Le film est malin parce que pendant un bon moment, on se dit qu’Antoine cherche à découvrir un secret de famille presque inoffensif : un suicide au lieu d’un accident, un amant secret ou quelque chose dans ce genre là. Mais en réalité, pendant les 20 dernières minutes, la vérité éclate et elle est assez complexe, assez vilaine aussi, tout en restant parfaitement crédible et sans surenchère inutile (on n’est pas dans un polar). Du coup, on comprend que ce secret ait pourri la vie de cette famille bourgeoise jusqu’à atteindre presque le point de non-retour, celui de la rupture définitive. Tout sonne vrai dans cette histoire, l’attitude d’Antoine qui veut faire parler son père mais qui reproduit ce mutisme sclérosant avec sa propre fille, la grand-mère souriante mais fuyante, l’impulsivité explosive du père, la position inconfortable de la belle-mère, l’attitude des domestiques de Noirmoutier, la scène du réveillon de Noël qui part en sucette aussi. Dans les familles « où on ne se parle pas », les conflits, les rancœurs, les abcès explosent souvent violemment : on ne se parle toujours pas mais par contre, soudainement, on se crie dessus ! J’imagine que si on a nous aussi ce genre de famille « où ne se parle pas », ce qu’on voit à l’écran nous parle terriblement, nous touche, nous concerne. Pas besoin d’avoir dans sa famille a soi un secret lourd ou au contraire tout léger (on n’imagine pas comme les broutilles peuvent devenir des secrets inutilement encombrants) pour trouver de l’intérêt dans le très réussi long métrage de François Favrat, il suffit d’avoir une famille avec qui « c’est pas toujours facile » pour s’y retrouver pleinement.