Un très beau film réussi, gros budget, et en même temps très personnel de la part de Gilles Lellouche. On sent qu’il y a mis beaucoup de lui-même, à la fois au niveau de ses goûts cinématographiques, de ses référents et de son anthologie du cinéma perso, comme il le cite souvent : Coppola, Scorcese, ou même le Kubrick de « Orange Mécanique », mais aussi d’un contexte familial qui doit lui ressembler, où il a mis des morceaux de son propre vécu de jeunesse. Beaucoup de créativité aussi dans la réalisation, des effets de couleurs très artistiques, changement de tonalité, effets flash, des cadrages au millimètre, des plans séquence très élaborés, une réalisation aussi très « délicate » et différente sur la parenthèse amoureuse des jeunes ados, les corps joliment filmés avec pudeur et sensualité, démontrant un vrai talent artistique.. Un rythme très soutenu, beaucoup d’action, mais aussi beaucoup de violence, combats de rue sanglants, guerre de gangs, voulu pour transmettre ce climat d’insécurité, et l’instabilité du jeune garçon issu d’un milieu populaire, révolté, parti à la dérive. Il y aussi toute la reconstitution du climat des années 80, une bande son superbe ( The Cure , magnifié, New Order, Madonna…), les voitures de l’époque, les cabines téléphoniques, les walkmans, les cassettes VHS,tout y est, superbe, on s’y croirait, et pour ceux qui ont connu cette époque beaucoup de nostalgie. Lellouche nous prouve aussi qu’il est un très grand directeur d’acteur, avec cette astuce lumineuse de faire interpréter le même couple par deux couples d’acteurs différents, alors qu’il n’y a que 10 ans d’écart entre les deux périodes . Cela donne une tout autre dimension au récit. Les jeunes acteurs, ados, sont au taquet, excellents tous les deux, le couple Civil et Exarchopoulos confirme encore qu’ils sont les tous meilleurs de leur génération, quelle puissance dans le monologue de Jackie , face caméra , en pleur , cheveux en pétard, superbe. Les seconds rôles sont très forts aussi : Poelvoorde , magistral, torturé, envahissant, diabolique, tellement émouvant quand il chante à capella le vieux répertoire français, Chabat en papa poule , attendrissant, excellent , et dans son petit rôle Elodie Bouchez excellente , que l’on regrette de ne pas voir plus souvent . Il ne faut pas oublier Rafael Quenard, la star montante, dans un rôle complétement déjanté, comme d’hab, lumineux et lunaire. Un film atypique, unique, qui peut dérouter de par sa difficulté à être ranger dans une case, mais superbe, flamboyant, onirique, créatif, hors des sentiers battus, un vrai challenge artistique ambitieux, réussi.