Il y a quelques jours, se clôturait déjà la 31ème édition du Festival International du Film Francophone de Namur. Au programme de cette très belle édition, le gratin du cinéma francophone finement sélectionné par les programmateurs. Extrêmement attendue, Nicole Garcia était de passage dans la capitale wallonne pour y présenter son dernier long métrage, Mal de Pierres. Un film puissant et tout en finesse mettant en lumière une Marion Cotillard sublime et percutante…
Gabrielle a grandi dans la petite bourgeoisie agricole où son rêve d’une passion absolue fait scandale. À une époque où l’on destine d’abord les femmes au mariage, elle dérange, on la croit folle. Ses parents la donnent à José, un ouvrier saisonnier, chargé de faire d’elle une femme respectable. Gabrielle dit ne pas l’aimer mais se voit enterrée vivante. Et, lorsqu’on l’envoie en cure thermale, pour soigner ses calculs rénaux, son mal de pierres, un lieutenant blessé dans la guerre d’Indochine, André Sauvage, fait renaître en elle cette urgence d’aimer. Cette fois on ne lui prendra pas « la chose principale ». Gabrielle veut aller au bout de son rêve.
« J’ai immédiatement pensé à Marion, ce rôle était pour elle et personne d’autre », confie Nicole Garcia en amont de la projection. Une parole bien éclairée qui prendra tout sens quelques minutes plus tard, à peine le film commencé. Ce n’est pas une fan de Marion Cotillard qui écrit ces mots, et pourtant, il faut avouer que l’actrice française crève l’écran, mieux que ça, elle le transcende pour venir ébranler directement le spectateur. Son incarnation de cette femme très « borderline » est un sans faute. De ses grands yeux bleus transpercent une passion dévorante, un amour de l’amour tout simplement bluffant. Gabrielle, tout comme Marion, fascine et, derrière les caméras, la réalisatrice parvient à capter divinement cette force teintée d’un fragilité amère. C’est une véritable consécration de la femme avec ses désirs, ses souffrances et ses doutes. Nicole Garcia avait entamé cette quête de la femme dès ses premiers pas en tant que réalisatrice mais, avec ce film, elle touche juste.
Si Mal de Pierres est avant tout un récit porté par une femme, le film jouit de la présence d’un acteur à l’ancienne, une véritable gueule de cinéma, j’ai nommé Alex Brendemühl. L’acteur espagnol, peu connu de par chez nous, nous offre une magnifique prestation dans le rôle du mari délaissé mais aimant, épousé faute de mieux. Par son simple regard, il parvient à faire passer de nombreuses émotions, et face à une Marion Cotillard colossale, il s’impose lui aussi comme un grand acteur. Chacune de ses apparitions se révéleraient presque comme une véritable bouffée d’air frais dans ce film âpre. Profondément humain, sa maladresse n’en est que plus touchante. Il force l’admiration, et on souffre de voir cette Gabrielle si insensible à cet homme.
Pour incarner André Sauvage, le fameux rival de José, c’est vers Louis Garrel que Nicole Garcia s’est tournée. L’acteur joue de son charme ténébreux, l’on dirait presque qu’il maîtrise ce rôle, sans trop de mal. Pourtant, cet acteur ayant un penchant avéré pour l’excès, joue ici tout en retenue. Cet André Sauvage retrouve les traits d’un grands personnages romanesques ; charismatique, mystérieux, fascinant et brisé.
Adapté du roman à succès de Milena Agus, Mal de Pierres transpose le récit se déroulant initialement en Sardaigne dans une Provence resplendissante. Nicole Garcia offre un film maîtrisé, d’un académisme modéré, policé par moment sans jamais tomber dans l’excès. L’histoire de cette femme fantasque à tendances hystériques nous est contée avec justesse. Le résultat est à la fois amer de par son histoire, et lumineux par sa mise en scène. Inspiré et inspirant du début à la fin, on est envoûté par cette histoire à l’ancienne au twist final savamment convertit à l’écran.