« Mesdames et messieurs, « Elle l’adore » a reçu le prix du meilleur scénario au Festival de Deauville ! Précipitez vous ! » Quand j’ai entendu ça, ma curiosité a été piquée au vif. Qu’un festival français qui reconnait l’existence et la qualité du cinéma américain mette à ce point en avant les qualités d’un scénario, moi l’amoureux des histoires originales et bien ficelées, je me suis précipité ! Mais bon… A croire que les festivaliers de Deauville n’ont pas vu tant de films américains que cela, car s’ils avaient déjà vu « Match Point », il aurait certainement ressenti avec cet « Elle l’adore » un air de pâle copie pas très original. En tout cas, moi, pour ma part, c’est ce que j’ai vite ressenti aux vues du déroulement de cette intrigue. En fait, j’ai l’impression que ce film est perçu comme un travail d’orfèvre en France parce que – oulala ! – il utilise à deux ou trois reprises le principe du flash-back. Alors certes, c’est cool, ça donne du relief à une narration linéaire mais… au XXIe siècle, le flash-back c’est juste… normal. A dire vrai, pour essayer de tirer plaisir de ce film, mieux vaut sûrement ne pas savoir que ce film a été récompensé pour son scénario parce qu’en définitive il est juste quelconque en comparaison à ce qui se fait dans le cinéma actuel. Peut-être sort-il effectivement du lot si on le compare aux narrations linéaires habituelles qu’on retrouve dans la plupart des productions françaises, mais à mes yeux, si on élargit le spectre, on pourrait carrément le classer parmi les scénarii basiques voire légers. Parce que, non, de mon point de vue, ce film au niveau de l’intrigue n’a vraiment rien d’extraordinaire. La première chose qui me chagrine, c’est qu’on parle de scénario au sujet de ce film, mais on parle rarement de réalisation. Or, sur ce plan, cet « Elle l’adore » n’a vraiment aucune personnalité ni aucun savoir-faire. C’est simplement illustratif, comme souvent, et Jeanne Herry ne sait jamais vers quel esthétique pencher. Du coup, elle alterne toutes les cinq minutes. Intro clipesque ; puis réalisation plan-plan typique des comédies fadasses à la française, puis caméra au poing dès l’arrivée de l’élément perturbateur. L’ensemble n’a jamais de réelle cohérence et c’est vite assez désagréable à suivre si on est sensible à cette dimension là. Certains diront que c’est un détail d’esthète qui ne concernent que des casse-bonbons comme moi, mais je pense qu’au contraire, cette indécision de style se ressent dans l’atmosphère générale du film. Est-ce une comédie ? Un polar noir ? Une tragédie de l’absurde ? Finalement c’est un peu de tout mais en étant au final rien. Pour une comédie ce n’est pas très drôle ; pour un polar, la trame est assez connue et vite identifiable pour qui est habitué au genre, quant à l’aspect tragique, le postulat de départ est trop bancal pour savoir réellement à quelle déduction le film veut en venir. (Personnellement, j’ai l’impression que le propos se limite juste à : « Avant elle s’inventait des histoires et des idoles parce qu’elle n’était rien, mais maintenant qu’elle a son histoire, elle est sa propre idole, elle s’adore elle et non plus l’autre ». Bah moi, non seulement je trouve ça léger, mais en plus je trouve que le sujet n’est même pas vraiment traité…) Alors au final, « Elle l’adore » est un film en fin de compte bien basique je trouve, qui veut certes tenter des trucs, mais qui ne sait pas trop où il va, et qui finalement ne va nulle part… Après il reste l’interprétation solide d’un trio Kiberlain-Laffite-Demolon qui permet de tirer de tout ça quelques bons moments. Certains s’en contenteront et tant mieux. C’est vrai que si on limite sa cinéphilie au cinéma français, ce film est légèrement un cran au dessus de la mêlée. Mais bon, pour ceux qui on l’habitude d’errer dans un peu tous les cinémas du monde, je crains que cette « adoration » ne se traduise rapidement par une triste débandade…