Jeanne Herry, justement la fille d’un certain Julien Clerc, s’emploie à mettre en scène un thriller dont l’intrigue pourrait se rapprocher de l’esprit de la célèbre groupie du pianiste. Partant d’un postulat pourtant tout à fait burlesque, la réalisatrice, pour son premier long, signe une œuvre non dénuée d’intérêt, à la fois novatrice et très ancrée dans la culture populaire française, celle honorant jusqu’à l’essoufflement ses vedettes de la chanson. Une groupie, fanatique vraie de vraie, admiratrice parmi les plus fidèles d’un chanteur, bellâtre à l’air innocent, se retrouve impliquée dans la disparition d’un corps, accident fortuit presque improbable. Le chanteur, auteur du méfait, se tourne vers sa plus fervente admiratrice pour effacer les traces du drame, misant sur l’aveugle passion de la bonne femme à son égard. Comme script, c’est plutôt osé, tout en étant simplement logique, loquace et très contemporain. Oui, là où les frasques des divas et autres trouble-fêtes américains font le bonheur des magazines à scandales, pourquoi ne pas appliquer la ferveur aveugle du public à la chanson populaire française?
Bien entendu, tout ne tourne pas vraiment rond. Au surplus de son admiration sans borne pour la vedette, la dénommée Muriel s’avère être, à ses heures perdues, une mythomane patentée. Un défaut ou une faiblesse? L’avancée du récit nous le dira. Malgré, comme mentionné plus haut, l’aspect burlesque d’un film qui ne démontre que peu d’orgueil, le propos fonctionne parfaitement, en dépit d’un certain nombre d’incohérences mineures. Culotté mais intelligent, Elle l’adore marque une véritable avancée en matière de thriller à la française, non pas sombre et réaliste, façon Olivier Marchal, ni même raté et niais, je ne citerais pas de nom, le film de Jeanne Herry se découvre comme une petite gourmandise innocente, tout en nuance et de par un angle privilégiant le second degré. En somme, une réussite, s’il en est, alors que le genre peine à convaincre en France, lorsqu’il est un produit national et non américain ou britannique, à quelques exceptions près.
A titre de réelle plus-value, les comédiens semblent évoluer comme un poisson dans l’eau, notamment l’excellente Sandrine Kiberlain. L’actrice, au sortir du succès justifié de Neuf mois ferme, semble avoir retrouvé un vrai second souffle salvateur et quasi comique. En découle donc quelques scènes ici mémorables, notamment lors de son interrogatoire juteux par les forces de l’ordre. En face, Laurent Lafitte, acteur issu tout droit de la comédie française, et qui ne cesse de monter, incarne une sorte de Patrick Bruel de carnaval avec un certain naturel, proposant une vision très facile d’accès d’un tel personnage, qui, pour notre plus grand plaisir, évite de pousser la chansonnette durant le métrage. Oui, son succès ne se lit ici qu’aux travers de l’admiration de Muriel, manière intelligente de ne jamais verser dans la surenchère de mise en scène.
La jeune réalisatrice parvient donc à impressionner, nuançons tout de même le propos, pour son entrée dans la cour des grands, réussissant à livrer un film à la fois loufoque et dramatique. Plus surprenant encore, même si cet aspect sera à maintes reprises évoqué pour ternir l’image du film, un final curieusement osé qui marque de par son ton singulier. N’attendez donc pas ici un simple récit policier conclu par la force morale de la justice. C’est plus vicieux et amusant. Avis aux amateurs, ceux qui n’attendent rien mais que se retrouvent récompensés de simplement découvrir sans aprioris. 14/20