Précédé d’un bouche à oreille assez flatteur, le film de Julien Rappeneau sort sur les écrans, ironie de la programmation, à un moment où l’actualité est très dure et très cynique. Or « Rosalie Blum » est un joli conte plein d’optimisme, une bulle de fraicheur qui fait du bien, même si comme tous les contes, il comporte une part de noirceur. La réalisation de Julien Rappeneau est tout à fait conventionnelle mais son montage est malin et donne du relief à son récit. Après une grosse demi-heure de film, l’action repart à zéro pour être revue sous un autre angle, au travers des yeux d’un autre personnage. Ce n’est pas révolutionnaire comme procédé mais c’est toujours efficace quand c’est fait avec finesse et c’est le cas ici. La musique est discrète et même si la photographie de son film est assez grise et austère, cela tranche finalement avec l’optimisme de son histoire. On compare beaucoup ce film avec « Le fabuleux Destin d’Amélie Poulain » mais les deux films sont terriblement différents dans la forme : autant le film de Jeunet était coloré, tourné dans un Paris de carte postale avec une musique sublime et très présente, autant Jean-Pierre Jeunet à une « patte » de réalisateur reconnaissable entre mille, autant « Rosalie Blum » met en scène des gens presque transparents, dans une ville de province sans âme, sans effet de manche si l’on excepte son montage. L’optimisme de son scénario s’en trouve encore plus mis en valeur comme une tache de couleur vive au milieu du gris. Julien Rappeneau offre à Kyan Khojandi (« Bref ») un joli rôle de trentenaire un peu looser, un peu similaire celui qu’il tenait dans la série qui l’a fait connaitre, rôle qu’il incarne avec beaucoup de justesse et de sobriété. Réussir à faire rire et émouvoir sans en faire des tonnes, ce n’est pas donné à tout le monde mais Kyan le fait très bien et il a de l’avenir dans le cinéma français. A ses côté, Noémie Lvovsky et Alice Izaaz incarnent avec conviction une tante et une nièce qui se ressemblent alors qu’elles se connaissent peu, toutes les deux en rupture de ban avec leur famille. La première traine avec elle un passé lourd qui la ronge comme un abcès et dont on comprend très tardivement (et de manière incomplète) la noirceur. La seconde se cherche et fuit une famille bourgeoise avec qui elle n’a rien en commun. Je souligne aussi un certain nombre de second rôles, aussi hauts en couleur que les trois rôles titres sont sobres (là encore : le contraste), des copines délurées d’Aude au colocataire squatteur (artiste de rue improbable et vaguement flippant), de la mère givrée de Vincent à son cousin amateur d’expression dépassées depuis 15 ans (une à chaque réplique, c’est tip-top !!!), la plupart des effets comiques viennent d’eux et fonctionnent parfaitement, d’abord parce qu’ils sont bien croqués (un poil caricaturaux mais qu’importe) et très bien « castés ». Et puis il y a l’histoire de « Rosalie Blum », son scénario. A vrai dire, au vu de la bande annonce, on ne devine pas vraiment la délicatesse et la noirceur du film. C’est quelque chose qui se révèle au fur et à mesure des minutes qui passent. On se laisse embarquer dans cette histoire apparemment bien innocente et l’on débouche sur une vraie émotion. La toute dernière scène, très intelligente et qui conclue le film comme on pose la dernière pièce d’un puzzle, est d’une pudeur et d’une justesse qui laisse une très belle dernière impression. Même si on devine, au fil du film, où Julien Rappeneau nous emmène, même si l’on voit arriver d’un peu loin le dénouement pour ce qui concerne Aude et Vincent, cela ne gâche jamais notre plaisir de spectateur. Le film est assez court, on a tout le long l’impression d’assister à une jolie histoire, une sorte de conte de fées pour gens ordinaires, un conte de fées à hauteur d’homme, en quelque sorte. Alors c’est sur, il n’y a pas dans « Rosalie Blum » de grande problématique
sur la réinsertion des détenues
, de peinture sociale sur fond de petite ville en déshérence, de message profond sur l’ultra-moderne solitude. Il y a des touches de tout cela, mais seulement quelques touches discrètes. C’est un film charmant, très plaisant, qui passe tout seul et apporte du baume au cœur. Par les temps qui courent, comme par contraste (encore…), ça fait encore plus de bien qu’une séance de cinéma standard !