Quatorze ans après la sortie remarquée des « 4 saisons d’Espigoule », Christian Philibert nous emmène à nouveau pour un voyage émouvant en compagnie des comédiens que son premier film avait révélé. On retrouve donc Mohamed Metina et Jean-Marc Ravera jouant leur propre rôle.
Ils quittent leur Provence natale pour passer le jour de l’an au Sénégal, entre potes.
Tourné en deux semaines – avec un petit budget et des acteurs débutants – Afrik’Aïoli n’a pas à pâlir devant l’étalement de stars des autres productions françaises. Philibert privilégie l’authenticité au star-system en vogue. Dans la veine de Pagnol, et de Guédiguian, il touche une beauté formelle qui éclot dans la simplicité de vies simples et empreintes d’humanité sans fioriture outrancièrement dramatique. De l’aveu du réalisateur, le scénario édicte les grandes lignes de l’intrigue mais les dialogues sont en bonne partie improvisés par les acteurs eux-mêmes. C’est que le tournage a été l’occasion de découvrir une autre culture. Et c’est belle et bien cette vérité qui rend le film profondément juste dans son propos. Mohamed et Jean-Marc, deux français d’origines différentes, sont réunis par leur occitanité.
Modou Cissé, leur chauffeur de taxi, un peu filou joue le jeu touristique habituel consistant à soutirer le maximum de franc CFA à ses clients.
Un mini choc des cultures, vite dépassé, par le sens de l’hospitalité sénégalaise. Après tout, il faut bien participer à l’économie locale. D’autant plus que l’on est accueilli dans l’intimité chez l’habitant. Cela vaut bien toutes les monnaies du monde. Notons que tous les acteurs sénégalais sont des amateurs et amis de Modou Cissé, et que les scènes intérieures ont été tournés dans leurs domiciles qu’ils ont gracieusement ouverts à l’équipe du film.
Ce qui touchera profondément les spectateurs, c’est bien que transparaissent malgré des cultures différentes, les liens profonds qui unissent tous les hommes.
C’est autour de la gastronomie locale, et de l’aïoli réalisé au pilon et sans huile d’olive, c’est autour d’un match de l’OM qui symbolise l’esprit d’équipe, c’est autour d’un feu, au son de la kora et des chants wolof, ou d’un morceau du plus fameux des Sound System marseillais (« Au marché du Soleil » a été offert à la production du film par le groupe Massilia Sound System) que les complicités les plus simples et les plus fidèles naîtront.
Finalement, c’est bien parce que Mohamed et Jean-Marc connaissent leur propre culture et peuvent la partager qu’ils apprécieront spontanément, et rapidement, le cadeau qu’on leur fait en leur faisant découvrir une autre érudition. Se connaître soit-même est le premier rempart au racisme. On n’a bien souvent peur de l’altérité car l’on ne saurait se définir soit-même.N’oublions pas de rendre hommage à l’harmonie qui émane des plans filmés avec grâce de la nature et des paysages sénégalais. Ainsi que de la qualité d’improvisation scénique de toute la troupe du film, certaines répliques sont de vrais trouvailles qui rendent également le film très drôle. Afrik’Aïoli, c’est un film empli de délicatesse et de fraternité. Un coup de cœur à découvrir d’urgence parce qu’on aimerait tous, au moins une fois, passé un jour de l’an « sans casse-couilles, que des baobabs, et apprécier l’instant présent. » Retrouvez nos autres critiques sur Une Graine dans un Pot :