Une fois n'est pas coutume, ce n'est pas vraiment du réalisateur dont il sera principalement question dans cet avis. La mise en scène de Davis Oelhoffen, en effet, est excessivement sobre, bien que cela puisse autant stigmatiser une justesse tranquille qu'une propension à se cacher. Au moins, le jeune réalisateur oppose avec succès organique et minéral, posant ses personnages avec adresse dans l'Atlas algérien, théâtre d'un quasi-western. Ici, l'espace est quand même plutôt occupé par les acteurs que leur metteur en scène. Si Reda Kateb ne démérite pas, s'acquittant avec humilité et justesse de ce rôle ingrat, c'est de Viggo Mortensen que je me sens obligé de parler. Décidément, j'adore cet acteur. Si Camus (dont la nouvelle "L'Hôte" est ici adaptée) était un juste, Viggo semble s'efforcer de l'être, solidifiant toujours ses prestations d'une grande humanité, tout à fait à sa place dans ce récit qui prend presque la forme d'une étude de caractères. Admirateur de l'auteur de L'étranger et d'ailleurs producteur exécutif, l'acteur s'investit, comme toujours, à cent pour cent. En anglais, en français, en espagnol, en arabe, en russe ; l'interprète qui se refuse à être catalogué comme un éternel Aragorn transpire d'une vraie sensibilité qui rend ses personnages profondément tangibles. Dommage que quelques tics de jeu viennent parfois le trahir, sans pour autant effacer son mérite ni son talent. Et puis, qu'est ce que j'aime son intégrité, sa façon de refuser les blockbusters et autres projets plus visibles au profit de films qui lui parlent réellement. C'est cette dimension humaine portée par l'interprétation des acteurs, qui fait la sève d'un film un peu limité au-delà de ça, qui ne fait qu'effleurer la dimension philosophique qui lui tendait les bras. Mais qu'importe, Loin des hommes est un très bon moment, porté aussi par la bande-son discrète mais essentielle de Nick Cave et Warren Ellis. Beau et très humain.