Alors que je n’avais été nullement intéressé ni par le pitch, ni par la bande-annonce, j’avais boudé ce film, pensant que j’allais copieusement m’ennuyer et risquer de m’endormir au beau milieu de vastes contrées rougeâtres inconnues. Quelle erreur ! "Seul sur Mars" a été pour moi une belle surprise, malgré le fait qu’il y a quelque chose qui me chiffonne gravement. Avant de poursuivre plus loin, je suis étonné de voir la très bonne moyenne donnée par les internautes cinéphiles alors que les 12 critiques les plus utiles ne dépassent pas la note de 3/5, et seulement deux parmi les vingt premières donnent un minimum de 4/5. Pour en avoir lu quelques-unes, je comprends aussi leur point de vue, je vous dirai. Et je pense que le fait que ce soit le très bon Ridley Scott qui a réalisé ce film n’est pas tout à fait étranger dans le vote sanction de certains internautes. Cependant j’estime qu’il faut prendre en compte la méconnaissance en matière d’un tel voyage habité sur une planète si éloignée et, quoiqu’on en dise, qu’on connait à peine. Oh bien sûr, on ne peut nier les influences de "Gravity", ou de "Interstellar", ou encore de "2001 : l’odyssée de l’espace". Car elles sont bien là, sans être pour autant omniprésentes. Point de vue scénario, "Seul sur Mars" est plus terre à terre que "2001 : l’odyssée de l’espace", bien moins complexe que "Interstellar", tout en étant plus évolué que "Gravity", et tout cela en ayant repris plus ou moins le concept de "Seul au monde". Eh bien moi je dis qu’il faut arrêter les comparaisons car "Seul sur Mars" n’est ni plus ni moins que l’adaptation cinématographique du roman du même nom d’Andy Weir. Donc si il y a quelque chose à reprocher concernant ces supposées références, c’est à l’écrivain qu’il faut les faire. Je tiens à préciser que je n’ai pas lu ce roman, mais si le film n’avait pas respecté au moins un minimum le bouquin, j’imagine sans peine que les internautes auraient crié haro sur les libertés prises. Nous voici donc dans une intrigue spatiale tout à fait improbable, comme le veut généralement la science-fiction. Oups ! J’ai dit "improbable" ? Ah oui, je l’ai dit. D’accord, oui, elle est improbable et en même temps... elle ne l’est pas. Mais ne sommes-nous pas en présence d’un film de science-fiction ? Bien sûr que si : un pauvre cosmonaute est resté malencontreusement sur la planète rouge alors que ses collègues ont dû évacuer d’urgence. Déjà, même si on sait que ce gars-là va dans un premier temps survivre en regard du titre (sinon le film serait devenu un hyper-méga-très-court métrage), il faut admettre que sa survie tient du miracle ! Merci au facteur chance qui a pris le pas sur la malchance, aussi incohérent soit-il. Si on peut s’étonner que Mark Watney (Matt Damon) trouve avec une folle évidence de nombreuses solutions pour se donner le droit d’exister en ce milieu hostile, que ce même bonhomme garde le moral envers et contre tout, eh bien moi je dis pourquoi pas : beaucoup de monde n’ignore pas que garder le moral permet de surmonter bien des épreuves, et parfois même les plus compromises. Cela passe par des jeux de rôles comme se donner une assurance presque crâneuse, ou encore faire preuve d’humour. Après tout, le personnage était seul, n’avait de compte à rendre à personne, et il fallait bien tuer le temps d’une façon ou d’une autre. Matt Damon interprète tout cela avec beaucoup de conviction, alternant avec les coups de mou, inévitables dans une telle situation, ce qui était loin d’être évident pour lui en tournant seul face à la caméra durant cinq semaines. En revanche, l’humour n’a pas sa place durant la mission de départ. Ainsi se dessine un sauvetage impensable, surtout si on tient compte des investissements astronomiques (sans jeu de mot) injectés dans la conquête spatiale. Nous avons donc une réalisation très américaine, ce qui me surprend un peu de Ridley Scott. Mais pour tous ceux qui sont profondément humanistes et qui considèrent comme moi qu’une vie n’a pas de prix, alors "Seul sur Mars" devrait vous plaire au minimum un petit peu. Et même si le scénariste et Ridley Scott ont tenté de soulever l’enthousiasme du public à l’instar des populations terriennes, il est clair que le spectateur ne ressent jamais cet enthousiasme. La faute à un manque flagrant d’émotions pourtant essentielles à ce genre de film, car je dois reconnaître qu’on ne ressent jamais vraiment les angoisses subies par le personnage principal, et j’irai même plus loin en disant que la dimension dramatique est pour ainsi dire inexistante car chacun des personnages est calé et (trop ?) sûr des différentes décisions prises et des opérations menées. Remarque, en y réfléchissant de plus près, il est vrai que l’amateurisme n’a pas de place dans un tel contexte, aussi mineur soit-il. Question suspense, il est pour ainsi dire inexistant, même si il montre le bout de son nez lors de l’explosion en plein air. Tout cela pour dire que le spectateur appréciera ou pas le scénario et le jeu d’acteurs en fonction de l’approche qu’il adoptera. Mais avant de passer à la suite, j’en viens à la question qui me taraude salement : les réserves d’oxygène, apparemment inépuisables ! Bien sûr, les stocks étaient prévus pour un certain nombre de personnes, pour une durée bien déterminée, avec du rab pour subvenir aux aléas, mais quand même ! Des stocks pour un seul scientifique qui s’adonne à des cultures, sur un délai considérablement rallongé… Malgré cette interrogation qui m’est restée en tête tout au long du film, j’ai suivi pour ma part un bon divertissement. J’en suis moi-même étonné, d’autant plus que je ne me l’explique pas vraiment. Le savant mélange des paysages martiens avec la reconstitution sous un immense hangar offre de superbes paysages martiens à condition de laisser de côté la 3D à ce que j’ai pu voir ici et là. On notera ainsi la qualité du rendu visuel, jusque dans l’insertion de l’Hermès en vue de l’extérieur. Bien que le spectacle ne soit pas vraiment scientifique, et qu’il ne s’attarde pas longtemps sur les enjeux de la conquête spatiale, il est au moins dépaysant. "Seul sur Mars" est donc un film à ranger aux côtés de "Gravity" pour le match remporté par le visuel sur le scénario.