Comment le cinéaste britannique a-t-il pu se contenter de cela ? Certes, par le passé, il a parfois fait preuve d’une singulière paresse (Une grande année étant le parangon de ce penchant). Mais c’est plus étonnant lorsqu’il revient au genre qui l’a consacré…
Le scénario de Seul sur Mars est des plus poussifs et, n’en déplaise à ceux qui le rangent dans la catégorie de la « hard science » (on aime bien inventer de nouvelles expressions), souvent à la limite de l’invraisemblable. Comment un homme, même en bonne santé, pourrait-il soulever avec le dos, pour la faire basculer vers le sol, une pièce en métal de 400 kg (pour alléger le vaisseau avec lequel il rejoindra la mission de secours) ? Eh bien Mark Watney (Matt Damon), bien que souffrant de malnutrition, bien qu’affaibli par un séjour de plusieurs mois sur Mars, lui, y arrive ! Il supporte même une poussée de plusieurs G dans une capsule dépourvue de bouclier et de hublots. Et que dire de l'arbre martien, oublié au montage ? Certes, ce sont des détails - amusant, dans le second cas. Mais quand on a une prétention au réalisme, cela fait tache...
Cette histoire est de plus encombrée de poncifs, de stéréotypes irritants. On citera, par exemple, le cas du petit génie geek – public directement visé par le réalisateur, pour lequel il est un cinéaste « culte » – abreuvé de caféine et vivant dans la crasse et le désordre, mais trouvant, par ce qui s’apparente à une sorte de révélation, une solution au problème que les plus grands spécialistes institutionnels sont incapables de résoudre ; le monde en arrêt, suspendu au destin tragique du space cowboy (par ailleurs très bon film d’Eastwood) américain abandonné sur Mars, avec des images de populations dans l’attente fébrile de son sauvetage (comme s’il y avait un suspense !), avec, en fond, un monument représentatif du pays concerné, car pour le cinéma hollywoodien, les autres se résument à des clichés : ici, la Tour de Londres pour signifier que nous sommes en Angleterre. A cet égard, je regrette que nous n’ayons pas eu droit à l’image du Kremlin – mais la Russie est redevenue l’ennemie ! – ou du Taj Mahal, si populaire pour identifier l'Inde. Ridley Scott a préféré se concentrer sur la Chine, devenue alliée, dans une savante opération marketing destinée à séduire le public de ce pays, qui devrait, n’en doutons pas, faire un triomphe à ce film !
La mise en scène n’est guère plus enthousiasmante. Aucune image, aucun plan susceptible de stimuler un peu l’imagination du spectateur. Le rendu des paysages martiens - même si on fait l'effort d'oublier la présence incongrue de végétation et d'un croissant de Lune dans le ciel ! - est absolument raté, si l'on compare aux images obtenues lors des missions d'exploration. A aucun moment le réalisateur ne nous donne l'illusion d'être sur la planète rouge. Les ombres, les formations minérales, le relief, rappellent trop notre Terre... Sauf pour quelques séquences, la 3 D est également assez plate (si je puis dire !). Un vrai retour en arrière pour cette technologie, que Baltasar Kormákur a pourtant porté au sommet (hum...) avec Everest, dont elle est d'ailleurs le seul intérêt...
Bref, un film étonnamment surévalué par les spectateurs et la critique, car totalement dépourvu de contenu, métaphysique, poétique ou onirique. L'apothéose du matérialisme scientifique ! Triste ! Car s'il y a bien un lieu propice à la rêverie, à la réflexion, à la spiritualité, c'est bien l'espace. Réduire un tel voyage à la culture de la pomme de terre en milieu hostile, c'est assez navrant...
Le grand film sur Mars reste pour moi Mission to Mars, injustement rejeté. Pourtant, la scène de sauvetage du personnage incarné par Tim Robbins paraît avoir très fortement inspiré celle de Mark Watney par Melissa Lewis (Jessica Chastain). La première date de 15 ans…