Les films d’horreur sous forme d’anthologie sont devenus chose courante ("V/H/S 1,2 & Viral", "The Theatre Bizarre", "ABC’s of Death 1&2", "Sanitarium", "Treasure Chest of Horrors"), cependant il est beaucoup plus rare qu’il s’agisse d’un film non américain. C’est donc du côté de l’outre-Rhin, au pays de Fritz Lang et de Rammstein, que nous allons pour ce "German Angst". Cette nouvelle anthologie nous propose alors trois histoires qui ont été réalisées par trois metteurs en scène allemands undergrounds : Jörg Buttgereit, Michal Kosakowski et Andreas Marschall (tellement undergrounds que je ne connais que Buttgereit pour son hallucinant diptyque "Nekromantik"). Et bien je dois avouer en toute franchise que cette anthologie m’a bien plu : 01) "Final Girl" de Jörg Buttgereit raconte l’histoire d’une petite fille qui nous parle de la castration des cochons d’Inde à la manière d’un documentaire, tout en jouant avec le sien. Sur un ton froid et monotone, son monologue nous hypnotise en instaurant une ambiance assez glauque et claustrophobe tout en nous expliquant la castration se fait et quels effets elle opère sur les petites boules de poils. Mais le segment devient bien plus radical lorsque la gentille demoiselle décide
de passer de la théorie à la pratique sur un homme qui se trouve attaché sur son lit…
le malaise passe rapidement au choc viscéral et la chose ne m’étonne pas le moins du monde avec Buttgereit (sans blague : ce type a un sérieux problème avec
l’appareil génital masculin
ainsi qu’avec la relation qu’entretient la gente féminine avec ce dernier !!) Fascinant et déroutant…en tout cas, la petite Lola Gave est réellement impressionnante dans sa prestation tout autant lancinante et poétique que froide et inhumaine. 02) Michal Kosakowski s’occupe du deuxième segment ("Make a Wish") et nous propose de suivre un couple de sourds et muets qui se rendent dans un immeuble berlinois laissé à l’abandon. Alors que l’homme raconte une histoire de famille parlant d’un mystérieux talisman, il est interrompu par un groupe de néonazis bien décidés à s’amuser avec le couple…Kosakowski s’attaque ici à un sujet assez grave et plutôt difficile pour les allemands : la haine entre eux et les polonais depuis la seconde guerre mondiale. Il se permet même de l’illustrer de façon brutale en jouant la carte du racisme couplée à l’Histoire tout en montrant que les forts prendront toujours plaisir à martyriser les faibles. En utilisant cette idée ingénieuse de « situation inversée », Kosakowski arrive a nous livrer une fable intelligente et poignante où, bien plus que le nazisme, il dénonce cette haine latente (l’intolérance ou le racisme : appelez ça comme vous voulez !) qui se trouve partout, qu’elle est toujours d'actualité dans le monde et que lutter contre ce « fléau perpétuel » est un éternel recommencement. Certainement le segment le plus engagé et le plus couillu du film. A noter la jolie prestation d’Andreas Pape en chef de bande repenti qui nous gratifie d’un discours final aussi magnifique que nihiliste, ainsi que celle absolument démente de la jeune Martina Schöne-Radunski qui incarne une raciste hystérique totalement hallucinante ! 03) Dernier segment du métrage, "Mandragore" d’Andreas Marschall nous plonge dans l’univers underground du Berlin nocturne : un homme, dont la compagne vient de le quitter pour l’avoir trompée, décide de rencontrer dans une discothèque une fille avec qui il tchate sur le net. Une fois sur place, il tombe totalement sous le charme de la jeune femme ; mais, après un début de préliminaires plutôt bien engagés, la fille arrête mystérieusement leur élan et lui demande de ne plus chercher à la voir. L’homme décide de braver l’interdit et va retrouver la trace de la fille dans un club très fermé où seuls les membres ont le droit d’entrer…Ce troisième segment est certainement le plus esthétique/arty de l’anthologie avec ses délires visuels flashies et sa bande-son particulière qui alterne entre musique électro et des bruits d'ambiance angoissants. Véritable descente aux enfers psychédélique, "Mandragore" joue constamment sur la perte de repères avant de partir dans un trip lovecraftien totalement décomplexé qui n’est pas s’en rappeler certains épisodes des « Contes de la Crypte » ou des « Master of Horror ». Un véritable moment de pur plaisir notamment grâce au charme envoûtant de la belle Kristina Kostiv qui interprète la mystérieuse Kira ; ainsi qu’a la démarche très proche des débuts cinématographiques de David Cronenberg. Bref, "German Angst" est une bonne surprise car il possède une démarche originale de se démarquer des autres films à anthologie en abordant des thèmes assez durs et très ancrés dans les traditions allemandes sans avoir peur de les balancer au visage du public comme un terrible uppercut. Les recherches esthétiques sont elles aussi poussées à l’extrême et prouve que les trois réalisateurs n’ont pas eu peur de prendre des risques aussi bien dans le fonds que dans la forme. Au final, même si la démarche était sacrément casse-gxxxe, le pari est amplement réussi et prouve que le cinéma allemand peut lui aussi apporter sa pierre à l’édifice du cinéma de genre. Rien que pour cela, il faut voir "German Angst" : obligatoire pour tout bon cinéphile !