"Manglehorn" a tout du film particulier que l'on aimera vraiment ou que l'on détestera...
Pour ma part sans hésitation aucune, c'est une réussite de haut vol dont les raisons sont multiples : un thème passionnant et original, un acteur au top que l'on ne présente plus et une maîtrise de la mise en scène terrible à ce point-là...
Franchement, entrer ainsi dans la vie et même dans le cerveau de ce serrurier dépressif avec autant de virtuosité, c'est plutôt fort !
Au point de se dire que cela serait une étude clinique parfaite pour des étudiants de psycho...
Car Al Pacino, avec tous ses problèmes mentaux, est décrit et même décortiqué sous nos yeux avec tant de tact, de précision que tout devient passionnant, bien que pour certains cette histoire puisse sembler creuse et sans intérêt, j'en conviens.
On voit ainsi cet homme fonctionner à travers son passé, ses chimères, son amour perdu et ainsi saboter ni plus ni moins son présent comme jamais !
La démonstration est exemplaire, tant Al Pacino est dans la peau de cet homme aux rapports tendres, puis durs, voire cruels et violents avec ceux qui l'approchent et désirent le connaître...
Mis à part son chat et sa petite fille, tous vont finir par être rabroués et humiliés avec dédain, bien que tout semble commencer sous de bons hospices en apparence.
Pour l'illustrer, que de scènes touchantes, cocasses et même inattendues, dont les visages des uns et des autres sont filmés sans complaisance, à l'état brut où le moindre questionnement, la moindre déception se lisent instantanément dans les yeux ! Que ce soit les soit-disant copains en passant par sa "conseillère bancaire", jusqu'à son propre fils lui-même en perte complète de repères.
À ce titre, les seconds rôles sont fabuleux et surtout Dawn interprétée par Holly Hunter, en femme pleine d'attentes et d'espoir face à son client du vendredi, dont la joie de vivre et de s'émerveiller est en contraste total avec l'esprit sombre et tortueux de notre héros.
Certains moments illuminent avec beaucoup de poésie cette introspection, telle cette scène émouvante où un client entre en chantant dans la banque un bouquet à la main, sans en dire plus évidemment sur la suite !
Tout réside avant tout dans les propres réflexions de ce serrurier, dans son dialogue et sa correspondance à sens unique avec cette mystérieuse et idolâtrée Clara, dont on finit presque et même par douter de sa réelle existence.
Et c'est bien sur ce point essentiel que l'on accroche, tant on est pendu à ce monologue, très représentatif de cet état de pensée et de ce raisonnement sans fond et sans issue.
Cette histoire belle et touchante, construite avec beaucoup de doigté et d'élégance, a évidemment une fin, véritable changement de cap, qui se révèlera exactement à la hauteur de ce que l'on espérait avec un tas de symboles, de métaphores dont on se délectera !
Après le très bon "Joe" du même David Gordon Green, il arrive donc qu'une réalisation même américaine comme celle-ci, fasse la différence, en étonnant, en interpellant nos sens, en stimulant nos méninges et surtout notre émotion !
Et tant mieux...