Feel Good Movie incontestable, #Chef, signé Jon Favreau, démontre l’attrait de l’Amérique pour les histoires sympathiques, accomplissement par définition d’une certaine forme du rêve américain, dans l’univers du tout est possible, tout est beau, rose et accessible. Le cinéaste, endossant le premier rôle de son long-métrage, quitte les plateaux de Blockbusters, pour rappel Iron Man un et deux, Cowboys et envahisseurs, notamment, pour en revenir à un cinéma nettement plus mesuré. Pour autant, cela en vaut-il la peine? On sent d’emblée que Favreau joue de sa récente notoriété pour s’amuser comme un gamin, incarnant un chef cuisinier reconnu, un brave type, père le week-end, qui s’ennuie fermement aux fourneaux d’un établissement qui ne le laisse pas exploiter ses talents culinaires. Bientôt, notre brave cuistot s’orientera vers une nouvelle carrière, dans le joie et la bonne humeur, à bord d’un improbable Food Truck aux côtés de son associé et accessoirement de son fils, une redécouverte de l’essence même de la vie.
Sans discussion possible, le réalisateur et acteur s’entend pour redonner le sourire par les chemins de la bonne humeur et de morale sauvegardée. On le sait tous, l’Amérique est un rêve éveillé, c’est du moins cette vision que le cinéma hollywoodien tente, à contrecourant, de nous vendre inlassablement en dépit d’une mode visant à cibler d’avantage les misères de l’humanité. Jon Favreau, lui, s’éclate à filmer la cuisine, le dressage de charmants petits plats, nous faisant croire qu’importe le travail, qu’importent les obligations de la vie, tout est possible. Avouons alors que l’entrain du metteur en scène nous mettrait presque en appétit, celui-ci soignant au maximum ses présentations culinaires. Sans compter que le bonhomme ne se montre pas avare en moyens détournés pour vendre sa vision de la belle vie, conviant des guets plus connus les uns que les autres pour l’entourer dans son périple. On croise alors, de-ci de-là, Dustin Hoffman, Robert Downey Jr ou Scarlett Johansson.
#Chef est donc un film de potes, un trip entre stars de cinéma, qui se veut indépendant mais qui s’inscrit clairement dans un académisme maquillé. Mais #Chef est avant tout un film qui fait l’apologie, adroite ou maladroite, des réseaux sociaux, Tweeter en tête comme l’atteste le # dut titre. Dès lors, à la suite d’une critique gastronomique foireuse, la vie du cuisinier ne sera plus dissociable d’une vie virtuelle sur les réseaux, sorte de marathon de Like sur le célèbre moteur de tweets, envers et contre tout bon sens. En gros, Tweeter est ici le nouveau moteur du succès, une plateforme publicitaire, un support d’échange essentiel, notamment lorsque le brave bonhomme part traverser l’Amérique à bord de son Food Truck, s’arrêtant de ville en ville pour connaître succès, joie et estime de soi démesurée.
Voilà la vision idéalisée du monde du travail aux Etats-Unis, là où seule la volonté importe, là où l’argent ne compte que très peu, là où les obstacles à l’aboutissement d’un rêve sont inexistants. Tout ça est somme toute bien joli, mais difficile d’y croire pour autant. Les artifices mesquins d’un cinéma rêveur mais mensonger font de #Chef une sorte d’icone maladroit mais tangible du cinéma populaire américain, sorte de portage de rêve par l’entremise en personnalité du cinéma opportunistes. N’oublions pas que Jon Favreau, aussi sympathique puisse-t-il être, aura roulé sa bosse partout où l’on voulait bien de lui sans jamais démontrer une quelconque nuance d’indépendance artistique, en témoigne notamment son passage plus autocritique dans les Soprano de David Chase. 09/20