septiemeartetdemi.com - Chef : un film de cuisine avec tout l'attirail de vocabulaire francisant qui va avec, et les efforts habituels pour que le spectateur s'autosuggère les odeurs qui peuplent son univers. Première impression ? Filmer de la bouffe ne se fait pas en claquant des doigts, et Favreau sait le faire. Ainsi qu'on peut le lire, et ainsi qu'une scène post-générique en témoigne brièvement, il a été coaché pour cela, mais ça ne fait pas tout.
L'œuvre met quelque temps à monter en température, hésitant un peu trop entre l'appât facile du drame et celui moins commode du feelgood inconditionnel, mais il finira par faire le bon choix (je parle du second, pourtant il est de premier choix). Il se charge logarithmiquement en émotions sans tomber dans le piège tendu par un sbire du drame : la confrontation apportée par le personnage d'Hoffman. Heureusement, l'un comme l'autre feront long feu. À se demander s'ils étaient vraiment utiles, car cela ne fait que précipiter un peu plus l'acteur dans la fadeur de ses récents rôles.
Une autre chose qui freine la montée en puissance de l'histoire est le rythme. Il est de prime abord effréné pour rien, et n'acquiert sa valeur d'outil qu'avec la maturation, qu'il n'atteint pas sans être par moments risible. Dans sa première partie, le scénario est également cousu d'opportunités ratées, ce qu'on ne peut juste expliquer par la dignité du personnage du chef.
Mais le scénario a un atout : il n'est pas coincé le moins du monde et fait un rebond de géant qui marque le coup de feu. Le rythme se rode ; la musique est géniale ; le climat californien, puis floridien, puis transaméricain, est restitué de manière fascinante. L'intégration de la culture mexicaine et de sa langue se fait en douceur, sans que le réalisateur passe pour autant à côté de l'occasion de faire une petite critique économique - mais politique ? Grands dieux, non - au sujet des Mexicains qui finissent dans les maisons des riches. Et puis le naturel ultra-bien peaufiné prend le dessus : le trio Favreau - Leguizamo - Anthony (Emjay de son prénom) fonctionne vraiment bien, associant la beauté simple du road trip avec celle de la famille américaine et d'une bouffe bien grasse avec tant de précision qu'il faut se raisonner pour ne pas leur courir après en bavant.
Mais croyez-vous que Chef s'arrêterait en si bon chemin ? C'est aussi un film très moderne, qui utilise la notion de réseau social au-delà des écrans intégrés à l'image. En fait, une bonne partie de l'histoire n'aurait pas lieu si Twitter n'y figurait pas, et il tient bien son rôle, sans mièvrerie ni cliché... Ou bien les clichés des réseaux sociaux sont-ils encore à construire ?
Bref, un monument du feelgood dont la magie déborde parfois un peu de la marmite (le permis pour le camion-restaurant sort un peu de nulle part) mais surtout pour éclabousser l'exploration non bâclée des étapes que les personnages traversent, ce en quoi le rythme est pertinent. Chapeau ! Ou plutôt "toque"...