Je déteste les critiques qui assassinent les films, ce fut le cas sur France Inter ce samedi matin à propos du film de Sophie Letourneur. Si le titre du film évoque la chanson d'Alain Bashung, puisque Gaby souffre de ne pouvoir dormir seule la nuit, je propose d'en faire une lecture du côté de l'inconscient. Ce film nous raconte l'itinéraire d'une psychanalyse : au commencement, il y a le(s) symptôme(s) et dans le droit fil, une plainte, une demande d'aide. L'adresse est collective, tout un chacun peut se retrouver à supporter l'état de détresse de Gaby, les copines en ont assez, l'amoureux également. N'importe qui peut finalement occuper la position de l'objet contraphobique. Et puis, il y a la rencontre de celui, qui ne demande rien, n'attend rien, ne veut rien pour elle et n'entend pas profiter d'elle. Il sera là, l'accompagnera, la guidera parfois, mais sans jamais vouloir pour elle, sans céder aux approches physiques, ni aux tentatives de séduction. Les trajectoires vont être répétitives, sinueuses, boueuses, parfois au détour d'un chemin, un paysage apparaît, un rayon de soleil, l'aube, le déclin du soleil, une éclaircie, l'obscurité de la nuit, tout cela peuple l'expérience. A réitérer l'expérience, le bavardage s'estompe pour permettre l'émergence de jeux de signifiants parfois énigmatiques, des métaphores surgissent. Régulièrement, l'analysante doit "pisser", elle s'accroupit sans pudeur, puis peu à peu une certaine intimité prend consistance, Gaby ne tient plus à être vue lorsqu'elle se lâche, la miction n'est plus exhibée. Ce que l'analyste (Nicolas, incarné par Benjamin Biolay) vise avec gaby, c'est de la conduire à rencontrer la solitude, à supporter d'emprunter un itinéraire de manière toujours plus indépendante, jusqu'à pouvoir accéder à sa propre singularité et goûter à la vie. C'est à ce prix qu'une rencontre amoureuse, authentique, engagée, où l'autre est choisi pour ce qu'il est et non pour boucher un trou, pour combler le vide produit par l'angoisse. Bravo chère Sophie Letourneur pour cet hymne à l'expérience analytique, où la traversée de l'inconscient débouche, non sur une promesse de bonheur, mais à la possibilité de ne plus être soumise à la dictature du désespoir. La présence canine est fort sympathique, elle a une tonalité, qui n'est pas sans faire penser au cinéma de Jacques Tati... Courez voir ce film, "La famille Bélier" peut attendre, "Gaby, Baby Doll" ne va peut-être, hélas, pas rester aussi longuement à l'affiche.