Malgré son appartenance au genre de la science-fiction, « Midnight Special » ne doit pas être imaginé comme un virage dans la carrière de Jeff Nichols, ce dernier ne cédant pas aux sirènes du divertissement et touche, une fois de plus, à l'intime du cercle familiale.
Toutefois, la première partie du long-métrage a de quoi susciter quelques craintes. Car si Nichols maintient habilement le mystère et joue avec intelligence sur le flou qui entoure les intentions de ses protagonistes, notamment dans la scène d'introduction, qui laisse de grosses incertitudes sur le statut de Shannon et Edgerton, le récit multiplie les points de vue avec lourdeur, sans parvenir à se focaliser sur le seul qui compte : celui de Roy (bouleversant Micheal Shannon) sur son fils Alton.
Il faut donc attendre la scène de la station service, puis celle des retrouvailles avec la mère, pour voir se déployer, à la fois une émotion muette et pourtant puissante, ainsi qu'un réel sentiment d'urgence. Nichols retrouve donc sa force narrative et émotionnelle à partir du moment où il reconstruit un cercle familiale définit, afin d'y faire évoluer ses thématiques ainsi que les angoisses de ces deux parents, partagés entre la peur d'abandonner leur enfant et leur détermination à faire ce qu'il y a de mieux pour lui, au risque de devoir le perdre. La mise en scène du cinéaste, déjà d'une grande inventivité, se calque sur cette situation : celle d'une urgence, mais une urgence pleine de sentiments. Sentiments qui n'ont pas besoin de mot, à l'image de ce dernier regard de Roy à son fils, vif et pourtant déchirant dans ce qu'il transmet.
Cependant, un défaut majeur vient jeter une ombre sur toutes ces qualités : celle de l'aspect science-fiction. Si, comme dit précédemment, le divertissement n'est jamais l'objectif de Nichols, la représentation trop démonstrative des pouvoirs de Alton font clairement sortir du récit. Ce dernier peine donc à faire coexister ces deux échelles, une intime et une plus spectaculaire, la seconde étant clairement un handicape pour la première, ainsi qu'une opposition aux intentions de l'œuvre. Le traitement aurait gagné à être plus minimaliste, à l'image du passage dans la voiture durant lequel Alton fait une crise, afin de conserver une émotion à hauteur d'homme.
« Midnight Special » est un long-métrage fort, traversé par des instants d'émotions purs, malheureusement atténué par un traitement hasardeux de deux échelles. La galerie de personnages, et la puissance de la mise en scène de Nichols parviennent toutefois à faire naitre une réflexion poignante sur la parentalité, ainsi que la complexité du rapport à l'enfant.