Jeff Nichols s'était fait connaître en 2011 avec « Take Shelter », un drame familiale sur fond de catastrophe naturelle à venir ; film qui s'était vu récompensé de plusieurs prix notamment le prix FIPRESCI et le prix de la critique internationale lors de la soixante quatrième édition du festival de Cannes. Le réalisateur avait ensuite enchaîné en 2013 avec « Mud », un autre drame prenant place, comme l'indique le sous-titre français du film, sur « les rives du Mississippi » ou le travail d'Adam Stone à la photographie n'avait pas laissé les spectateurs indifférents. Et voilà qu'en 2016 Jeff Nichols signe un nouveau film ancré cette fois-ci dans le thème de la science-fiction pour le plus grand bonheur des amateurs du genre, « Midnght Special ».
L'une des grande force du cinéma de Jeff Nichols est sans aucun doute cette manière qu'a le réalisateur de se renouveler tout en gardant ce charme si atypique qui le caractérise depuis « Take Shelter ». En effet si du coté des thématiques abordées il semble s'ancrer dans le drame et la famille, c'est belle et bien dans le traitement de ces mêmes thèmes que « Midnight Special » réussi à tirer son épingle du jeu. Si au début du film, l'histoire apparaît clairement comme mystérieuse et les différents protagonistes assez énigmatiques, une ambiance vient rapidement se mettre en place et évite au spectateur la frustration du manque d'information. Bien sur, au cour du film certains mystères seront levés, d'autres resterons ainsi à la l'interprétation du spectateur. Mais c'est la aussi qu'est l'un des principale défaut de « Midnight Special ». En effet, afin d'introduire différents éléments de réponse, le film tire en longueur à certains moments, et même si ces moments ne gênent pas grandement le spectateur, ils se font tout de même ressentir à cause de cette envie d'information créée par l'intrigue.
Mais comment parler d'un film de Jeff Nichols sans évoquer l'un des point les plus importants, à savoir la réalisation et le traitements de l'image. Si comme dit précédemment, Adam Stone avait su donner aux images de « Take Shelter » et « Mud » cet aspect si particulier qui faisait le charme de ces deux films, lui et Jeff Nichols semblent avoir ici franchit un cap dans l’esthétisme, arrivant à donner aux images de « Midnight Special » une aura et un caractère propre au film. Et la réalisation s'allient parfaitement aux différents thématiques du film comme celles de l'enfance, la famille ou le fanatisme religieux, tout en faisant ressentir cette impression que les événements sur l'écran dépassent les protagonistes qui ne pourront la plupart du temps que fuir. De plus le réalisateur n'hésite pas à placer tout au long du film diverses clins d’œils et autres easter eggs sur l'univers de la science-fiction, qui, bien qu'ils soient nombreux, sont assez discret pour ne pas empiéter sur l'intrigue du film, mais ne manqueront pas d'être remarqués par les amateurs du genre.
L'une des grandes surprise de « Midnight Special » réside dans le personnage de Paul Sevier, interprété par Adam Driver, aujourd'hui surtout connut pour le rôle de Kylo Ren dans « Star Wars VII : The Force Awaken ». Et si il est des acteurs qui peinent à sortir de leurs grands rôles, ça ne semble pas être son problème, au vu de la qualité de son jeu à l'opposer totale de son précédent personnage. Car ici il n'est pas question d'un méchant sombre aux pouvoirs télé kinésiques, mais plutôt d'un bureaucrate timide et mal à l'aise dépassé par les événements auxquels il fait face, et à la recherche de connaissances dont il ne connaît lui même que les légendes. De plus, autant Paul Sevier que les autres personnages du film sont développé de manière psychologique et servent à l'intrigue, c'est d'ailleurs le plus souvent grâce à leur évolution que l’histoire est raconté, donnant plus de crédibilité et de complexité à l'univers. Mais c'est aussi un des autres points noir de « Midnight Special »,car beaucoup d'éléments, notamment sur les enjeux du film, sont laissé à l'interprétation du spectateur et de ce fait restent tout de même assez flou pour un néophyte. Bien que ce parti pris sert grandement à donner cette atmosphère de mystère et d'incompréhension au film.
« Midnight Special », c'est ce genre de film qui fera du bien aux amateurs de science-fiction, surtout des années 80, car il se démarque des grosses productions auxquelles le genre a habitué le public, et laisse les effets spéciaux à outrance, les explosions et les combats dantesques pour se concentrer sur son histoire, son univers et ses personnages. C'est ce genre de film portant une réflexion sur les thématiques qu'il aborde et interpelle le spectateur qui ne manquera pas de se questionner une fois sortie de la salle. Jeff Nichols signe ainsi son quatrième long-métrage et semble déjà bien engager sur la route du cinquième avec l'annonce de « Loving » prévu lui aussi pour 2016. Le réalisateur n'a donc pas finit de faire parler de lui, pour le plus grand bonheur de son public.