On attendait ce film avec impatience... Ne serait-ce que par curiosité de voir comment deux acteurs phares se démèneraient face à ce drame viscéral. Ou encore de crier Alleluia, car les films avec des dialogues secs et poétiques manquent sérieusement dans le cinéma actuel. Bilan, donc: Kurzel se "débrouille" bien...
Entendons par ce terme qu'il a une vision, une ambition aussi sévère que celle de son antihéros incarné par Fassbender, simple mais organique, canalisant avec fureur un des rôles les plus inconcevables du répertoire occidental. Une vision, donc, qui prend sa forme par une esthétique très sophistiquée, calculée, alternant lumière fantomatique et rougeoiements incendiaires de meurtres ravageurs. Cette impeccable photographie s'étend à travers des paysages somptueux - peu importe s'ils ne sont pas écossais ^^ - qui contribuent à une idée maîtresse chez Shakespeare: la nature fonde l'homme pour le dominer, lui faire comprendre qu'il est fébrile, fragile comme une feuille dans un tourbillon de feu. Et même, au risque de paraître contradictoire, on dira même que la richesse textuelle s'efface au profit de celle de l'image. Kurzel parvient à trouver un équilibre entre son adaptation cinématographique personnelle et la création écossaise, mais il reste indécis quant à ses personnages, coupant ainsi net les apparitions des sorcières et, plus que tout, la folie en crescendo, par palier de dégoût et de macabre, du couple royal immonde, victime de leur force, quand on y réfléchit bien. C'est du moins ce que nous laisse penser le film...
Mais ce Macbeth ne demeure pas assez humain: l'homme parle, certes, et magnifiquement, mais ses actes de violence prennent le dessus sur la profondeur des répliques. On ne voit pas assez les protagonistes évoluer, l'intrigue n'a pas le temps de se tisser, et cela au profit d'une application sérieuse à la mise en scène, furieuse, qui renforce la rage folle qui commande l'acte au souverain maudit.
Cependant, ce film possède de grandes qualités. Ses acteurs. Banquo, Macduff, Malcolm, Duncan... Des acteurs les incarnent, justement, sans pathos ni ajout de théâtralité inutile. Et aux côtés de Cotillard, sobre, oui, mais perçant bien la lady machiavélique - trop absente, malheureusement! - s'érige la carrure d'un monstre, d'un acteur sacré, halluciné et hallucinant, qui s'impose "capable" de coudre l'épaisseur shakespearienne. Et comment ne pas vouloir applaudir quand il finit son implacable tirade: "La vie n'est qu'une ombre en marche"? Entre voix-off et présence terrifiante, l'acteur compose ici son meilleur rôle, franc, bestial et sensible. Bien que Kurzel suggère le premier meurtre avec maladresse, Michael Fassbender rattrape vite l'erreur, galope dans les champs du lexique violent mais poétique, et sa voix résonne, son ton électrise. Un pareil Macbeth, on ignorera volontiers les avertissements des sorcières...