Les artisans ingénieux de chez Aardman Studios donnent vie sur grand écran, en 2015, à leurs fameux moutons en pâte à modeler et bouts de ficelles avec un succès n’étant pas forcément inattendu. Shaun le mouton, série animée contemporaine, par les créateurs de Chicken Run et Wallace & Gromit, notamment, trouve sa justification dans l’exploration aboutie du stop motion bricoleur propre au studio britannique. Les techniciens officiant sur le long-métrage sont les mêmes qui ceux travaillant sur la série, cela débouchant sur une transposition en format long dans la droite ligne des frasques quotidiennes de notre petit mouton et de ses compagnons de parcs et de ferme. Les connaisseurs retrouveront donc toutes les saveurs du format court et les novices, les explorateurs et autres curieux téléspectateurs découvriront une nouvelle référence animée, dans son style propre, avec une bonne humeur indéniable.
Parfait techniquement, le film possède notamment bien des atouts dans sa manche. Son format muet, d’abord, à mille lieues des standards bavards du film d’animation actuel. Faire rire voire même toucher un vaste public sans qu’aucun mot n’y soit prononcer relève d’une certaine forme d’exploit de mise en scène. Les aventures comiques des petits animaux laineux, de leur chien de garde ainsi que de leur fermier de propriétaire prennent des allures loufoques mais toujours parfaitement synchronisées. L’évolution du récit, soit l’exil de la campagne vers la ville, la grande ville, en mission de sauvetage hilarante, est parfaitement maîtrisée, le tout étant fortement aidé par un plastique et une esthétique diablement habile. Les modelages sont géniaux, tous les personnages sont originaux et les décors sont variables, un plaisir pour les yeux donc, renforcé par un comique de situation diablement efficace.
Les péripéties s’enchaînent à vitesse notable et chaque séquence est le fruit d’une mûre réflexion, à l’image de ce qui fait quotidiennement le studio. On notera que le film englobe une série de personnages secondaires aléatoires dont le véritable atout est ce responsable de fourrière, parodie en pâte à modeler d’un certain Terminator et qui ne manque jamais de faire rire. De manière étonnante, le film livre une petite vision sympathique du monde des réseaux, mettant en lumière une jolie séquence de partage Internet, sans compter sur la présence symbolique des Smart Phones et autres tablettes tout au long de l’aventure. On ne peut qu’apprécier cette démarche visant à rendre d’actualité cette vieille recette d’animation, joliment désuète et strictement artisanale. Le tout saupoudré d’un humour sensiblement plus mature qu’escompté, le charme opère dès les toutes premières séquences.
Succès franc d’un point de vue critique et commercial, Shaun le mouton démontre l’intelligence de créateurs ayant encore foi aux vieux procédés, à l’huile de coude et au bricolage. Ne pouvant sans doute pas rivaliser, tant financièrement qu’intellectuellement, avec les grosses pointures américaines du domaine de l’animation, les studios Aardman offre tout de même, avec ce type de film, une alternative à la normalité des productions de notre époque moderne, qui plus est sans 3D fastidieuse. On ne peut que louer le travail qualitatif et quantitatif de ses artisans bien trop rares et espérer un retour de ces petits bestiaux et autres personnages du même acabit sur les écrans. A découvrir. 14/20