Voilà un film qui tombe bien. Il rappelle comme Suzanne ou The Touch of Sin qu'en ces temps noëliques le cinéma ne se réduit pas aux mignardises convenues - tels Mandela un long chemin vers la liberté ou la nouvelle Angélique qui sont cependant "regardables". Ce troisième long métrage d'un jeune cinéaste pourrait avoir tout pour déplaire à première vue. Annoncé comme un nouveau fleuron de cette vague de cinéastes français très indépendants qui émergent depuis trois ans et qui forment si peu une école. On a déjà vu et savouré modérément "La Fille du 14 juillet" (atko). On s'est régalé avec "La Bataille de Solférino" (Justine Triet). Et en 2012 on a découvert avec bonheur Guillaume Brac et son "Monde sans femmes". Dénominateur commun? Vincent Macaigne! Il a une gueule, grognon comme un ours, magique comme une libellule. C'est une boule d'énergie et de fragilité car il a une vocation de casse-couilles et d'ange.
Il est partout dans "2 automnes 3 hivers". On pensait qu'il ferait du Vincent Macaigne. On y échappe. Il est d'abord Arman, trentenaire, as de la foirade et rêveur d'impossible. Il n'a rien d'un bobo suffisant. Dégarni côté crâne et côté coeur. Bordélique. Pour les sentiments, c'est la panade. Jusqu'au choc vécu au Parc Monceau. Il y fait son jogging. Comme Amélie, autre blessée du coeur. Le choc est frontal. Puis rien. Ils se revoient par hasard. Arman retrouve Guillaume, un copain des Beaux-Arts de Bordeaux quia le coeur fragile. L'Amélie de Guillaume sera une orthophoniste. De Paris, ils glissent vers la Suise romande avec, en passant, une petite focale sur "La Salamandre" et Bulle ogier... Une ex très polyvalente et une soeur dure à cuire émergent en cours de route. Une route bien accidentée quoique joliment vallonnée...
On échappe au déplaisir car ce qu'on craignait - une scolaire resucée des histoires d'amour prisées par la Nouvelle Vague, la fantaisie de "Bande à part", beaucoup de Jules, un peu de Jim, de la narration off à la Truffaut, des complications amoureuse façon Eric Rohmer - ne se produit jamais. Les clins d'oeil cinéphiliques foisonnent: Robert Bresson, Judd Apatow, Jacques Demy, Eugène Green, ça nous saoûle à première vue mais, très vite, ça se combine avec beaucoup de grâce à ce que vivent entre douleur et ravissement les deux couples toujours inattendus. Le découpage en séquences numérotées à rebours et titrées avec malice y remédie très vite. Le rythme est tonique. Rien ne traîne sauf au démarrage. Vincent Macaigne, décidément, s'avère un acteur phénoménal. Avec Sébastien Betbeder, il laisse vibrer des cordes qu'on ne lui connaissait pas dans les films évoqués plus haut et il déploie du oup un charisme rare. Avec sa corpulence bonnarde, sa voix brumeuse et son regard perçant et candide, il est doté de l'étoffe qui habille les grandes pointures. Maud Wyler, lointaine parente de William Wyler '("Ben Hur") et déjà repérée en 2012 dans "Louise Wimmer", est une percutante Amélie. Il convientdonc de ne pas manquer ces cinq saisons. Tôt ou tard, on retrouvera Sébastien Betbeder.