Quelle tristesse de voir les cahiers du cinéma se perdre en conjectures malheureuses sur l'esthétique admirable de ce film. On croirait entendre le même croassement qui avaient saisit ses critiques devant le baroque du cinéma fantastique tchécoslovaque de Juraj Herz. Lasri ravive mon souvenir de Morgiana, des films fous de jakubisko, ou le délire technique est viscérale, une volonté de se saisir de l'ensemble des codes et des possibilités, et d'en agiter le pouvoir transcendant. Il y a quelque chose de païen chez LAsri, à bruler sa fable audelà de toutes les vraisemblances, envers et contre sa propre virtuosité. Quel film aura autant pu cette année se donner autant de peine, autant de joie à se subvertir de l'intérieur, et avec quelle intelligence ?(par Lars von trier c'est certain) Sa fable néo-punk avec ses télescopages dignes du cinéma de genre le plus trash (the End), se retrouve de manière plus abstraite dans C'est eux les chiens, peut être à l'image du Sommeil Amer de Mohsen Amiryoussefi, l'image est source d'une profonde jouissance, d'un immense horizon de désirs. Le film part de la décision de journalistes de prendre le risque de se saisir de la critique sociale insufflé pendant les mouvements du 20 février pour interroger le "vrai maroc". Ils se saisissent d'un personnage, dont l'errance et la quête deviennent la leur, mais le cinéaste refuse de perdre sa finalité, celle qui permet au récit de trouver un sens pour les deux pôles du récit. Dans c'est eux les chiens, se dessine une entéléchie de l'ordre social nouveau, désiré et entretenu par des logiques de pouvoir, le film est le moteur d'une métaphore complexe sur ce qui lie passé pouvoir et présent, désir de mettre des images fortes et spectaculaires sur la situation d'un peuple, et d'illustrer sa mort social en gestation, vis à vis d'une satyre plus traditionnelle mais symétrique des images (jamais montré toujours invisibles) du pouvoir . Quelque chose de cynique et d'immuable s'accomplit, quelque chose de tragique mais d'incertain, cette incertitude dans le cheminement très humain du film, dans la description brutale mais mystérieuse des motivations qui lient les protagonistes entre eux, c'est cet enjeux simple et génial d'un pouvoir qui cherche à comprendre le visage saisie, d'un pouvoir qui peut s'interroger et se soustraire au changement dans le même mouvement. Le film de LAsri épouse tout ça et lui donne une forme étonnante démesurée. Il prend la peine d'interroger sans découragement ou renoncement la défaite des Idées sur la raison d'Etat. Difficile de ne pas voir là sauf pour les aveugles un chef d’œuvre.