Woody Allen est définitivement un génie. Les critiques ont beau lui reprocher de s’être fourvoyé, depuis plus de 20 ans, avec des films ratés ou simplement mineurs, (sous prétexte qu’ils n’égalent pas les classiques du maître, tels que "Annie Hall", "Manhattan" ou "Hannah et ses sœurs"), je ne vois pas d’autres réalisateurs capables d’enchaîner un tel rythme de travail (un long-métrage par an !) en maintenant une telle qualité et, surtout, en trouvant une idée invraisemblablement intéressante à chaque fois. Certes tous ses films ne sont pas des chefs d’oeuvre et, certes encore, il a, récemment encore, eu quelques ratés ("Vicky Cristina Barcelona", "Le rêve de Cassandre", "Whatever works"…) mais force est de reconnaître que les recettes de Woody Allen, bien que connus de tous, fonctionnent toujours admirablement. Et "Magic in the moonlight" ne déroge pas à la règle, le réalisateur parvenant, une fois, de plus, à nous bluffer. On ne se trouve, pourtant, pas vraiment en territoire inconnu avec son héros désabusé et misanthrope, son personnage féminin qui domine son homologue masculin, ses dialogues typiquement alleniens, à la fois drôles et cyniques, ses longs plans séquences où s’enchaînent les discussions entre personnages, sa BO jazzy tellement classe, ses décors en extérieurs (la Côte d’Azur des années 30 ici)… mais, également, la magie, qui visiblement plait beaucoup au réalisateur (voir "Scoop" ou "Le sortilège du scorpion de Jade"). Pour autant, ces habitudes ne rebutent pas et font, au contraire, l’effet d’une chaude et confortable couverture un après-midi d’hiver. On se prend à vouloir suivre l’histoire de ce magicien (le so british Colin Firth parfait, comme toujours), qui partage beaucoup de traits de caractère avec le réalisateur (comme beaucoup de héros des autres films où il n’apparaît pas, accessoirement) et qui va tomber sous le charme de cette jeune médium (Emma Stone, une fois de plus époustouflante de fraîcheur et qui confirme, s’il en était encore besoin, qu’elle est l’une des grandes actrices actuelles) alors qu’il s’emploie à la démasquer. Le film s’avère, ainsi, être une histoire d’amour somme toute classique, doublée d’une enquête gentiment surprenante mais pas non plus renversante. Ainsi, à bien y repenser, "Magic in the moonlight" ne raconte pas grand-chose et n’est pas forcément innovant. Et pourtant, le charme opère parfaitement grâce à la fraîcheur de la mise en scène, à la qualité des dialogues et à la formidable interprétation des acteurs (dont Marcia Gay Harden en mère imprésario et l’étonnant Simon McBurney en collègue magicien). La réussite du film doit, également, beaucoup à la relation atypique des deux héros, qui ne cessent de se tester l’un l’autre pour percevoir leurs failles respectives, ainsi que l’évolution gentiment atypique de cette relation. Car, plus que l’amour, le magicien trouve, avec cette médium,
une échappatoire au cynisme dont il a fait son quotidien et se prend, à nouveau, à rêver.
Plus qu’un histoire d’amour classique, le film se mû en plaidoyer en faveur de l’illusion dès lors qu’elle est synonyme de bonheur… soit un discours assez peu entendu sur grand écran ! C’est peut être l’ultime tour de force (de magie ?) de ce film, ô combien charmant, qui finit de confirmer le retour en (très) grande forme de Woody Allen après le fantastique "Minuit à Paris", l’amusant "To Rome with Love" et le formidable "Blue Jasmine"