Magic in the Moonlight contraste avec le précédent opus de Woody Allen, Blue Jasmine, assez désagréable et socialement caricatural. Le réalisateur revient à une veine plus légère et pétillante. Et ne cède qu'à une caricature, celle de son propre cinéma... Avec un certain bonheur, il est vrai. On retrouve ainsi dans ce film de nombreux thèmes fétiches du cinéaste : la magie et les magiciens (comme dans Alice, Le Sortilège du scorpion de jade, Scoop...), l'escroquerie mais pas trop, la misanthropie, la psychanalyse, Dieu et le sens de la vie, l'humour et le romantisme malgré tout. On reconnaît encore Woody Allen (et son autodérision) derrière le personnage principal incarné par Colin Firth, intello bavard, râleur, cynique, arrogant, "pessimiste rationnel ennuyeux". Et on devine facilement le chemin que va prendre cette comédie. Pas de surprise, donc, mais tout fonctionne savoureusement et malicieusement. Le petit jeu de manipulation est bien ficelé, le rythme est alerte, les dialogues brillent par leur causticité et leur drôlerie décalée (notamment lors d'une conversation jubilatoire entre le personnage de Stanley et sa tante, vers la fin du film). Le tandem Colin Firth/Emma Stone ne manque pas de charme (malgré une sacrée différence d'âge). L'ambiance jazzy de la Belle Époque et la lumière magnifiquement travaillée par le chef op' Darius Khondji ajoutent au plaisir. On navigue ainsi entre élégance à la Fitzgerald et Lubitsch'Touch. Il y a aussi deux cerises sur le gâteau, rafraîchissantes : deux idées joliment exposées, l'une sur la magie des sentiments, l'autre sur le pouvoir de l'illusion qui aide à vivre et pourrait même rendre heureux (si, si). On songe à La Rose pourpre du Caire, par exemple, mais aussi à toute la carrière de Woody Allen, à cette boulimie de tournages qui ne semble dire qu'une chose : le bonheur est dans la fiction.