Ah! Ca c'est la bonne surprise. de la semaine.
Le cinéma indien évolue drôlement! On est aussi loin des love stories (mais très convenables...) rosâtres de Bollywood, que du cinéma raffiné de Satyajit Ray... On est dans le crade -tout est crade, les extérieurs sont lugubres et les intérieurs généralement éclairés par une pauvre ampoule de 25W. On n'est ni chez les maharadjahs, ni dans les bidonvilles, mais dans une classe moyenne passablement vérolée.... On est beaucoup chez les flics, aussi. Soit des brutes, soit des crétins. Ou les deux. Il y a un (long) interrogatoire -irrésistible, un véritable morceau d'anthologie où l'on glose sur la façon d'identifier ses appels sur un smartphone, alors qu'une petite fille est peut être en danger de mort....
Le premier film d' Anurag Kashyap, Gangs of Wasseypur, avait eu de bonnes critiques -mais je l'avais raté. Pour moi, c'est donc vraiment la découverte, et la très bonne surprise.
Dans une ville de province, une petite fille disparaît donc, une jolie petite fille de dix ans; son père l'avait laissée quelques temps seule dans sa voiture. Ses parents sont divorcés. Rahul (Rahul Bhat) est acteur. Ou plus exactement, ambitionne d'être acteur. Arrivé à la trentaine, il n'a jamais joué -et apparemment, n'a jamais travaillé. Etre acteur, ou rien! Ce qui a sans doute été une des causes de son divorce, et ne l'empêchait pas de cogner sa femme, Shalini (Tejaswini Kolhapure) Cogner les femmes a d'ailleurs l'air d'être un sport national, chez ces gens... Au moment de la disparition de Kali (Anshikaa Shrivastava), il se trouvait chez son directeur de casting, Chaitanya (Vineet Singh) qui, à vrai dire, ne semble pas avoir jamais casté grand chose.... Tous ces gens là ont de furieux besoins d'argent. Le chef de la police pense tout de suite à un faux enlèvement, suivi d'une fausse demande de rançon, et les deux amis commencent donc par être copieusement tabassés. D'autant plus qu'entre ce commissaire, Shoumik (Ronit Roy), un sosie du général Nasser et Rahul, il y a un vieux contentieux, qui date du lycée. Au lycée, Shoumik était la tête de turc, et très amoureux de Shalini, qui choisit Rahul. Après le divorce, Shoumik épousa Shalini, et éleva la petite Kali. Rajoutez à cela deux autres personnages, le frère de Shalini, un vaurien, et l'amie de celle ci, Rahki (Surveen Chawla), actrice elle aussi -enfin, elle tourne des clips à la limite du porno... et touillez. Pendant deux heures, vous allez avoir à débrouiller un inextricable tricot de relations entre ces cinq personnages, tous plus nauséabonds les uns que les autres, qui pourrait être complice de qui? chacun à leur tour tabassés ou maltraités par la brute en chef, l'inquiétant commissaire. Mensonges, fausses rançons, rançonnement des faux rançonneurs.... un brouet noirâtre et fétide dans lequel, il faut bien le dire, on perd rapidement pied.... L'état d'esprit évoquerait bien le premier Tarantino, du temps où il avait du talent, pour cette façon rigolarde de traiter la brutalité; thriller? pas complètement, car le réalisateur s'amuse à nous trimballer de fausses pistes en fausses pistes, au gré des cogitations de Shoumik, alors qu'il nous avait quasiment mis la vérité sous le nez dès le départ; ce n'est donc pas le côté enquête qui intéresse Kashyap, mais le glauque combat dans la boue des protagonistes.
C'est filmé moche mais vraiment virtuose, avec des cadrages impossibles et une bande son assourdissante. Et n'oublions pas un acteur très important: le téléphone, par lequel passent une bonne partie des dialogues (dont on n'entend donc que la moitié, ce qui ne contribue pas à clarifier les intrigues.... pas plus que les quelques flash-backs, d'ailleurs...). Ces gens là s'entr'appelent à longueur de temps. Cela participe vraiment à l'action.
Un reproche? C'est un poil trop long. La deuxième partie du film dure un peu.
Mais c'est à voir, bien sûr. Et même à ne pas rater.