Jodorowsk’y Dune de Frank Pavich nous donne un aperçu terriblement frustrant de ce qu’aurait été l’un des films les plus époustouflants de notre époque. Des costumes aux décors, en passant par un casting cinq étoiles à la hauteur de la folie du réalisateur Alejandro Jodorowsky, ce n’était que rendre justice à ce projet que de lui dédier un documentaire, dont la sortie en salle est prévue à Mars 2016.
Mais qui est donc Alejandro Jodorowsky ? Provocateur ésotérique, génie fou, maitre du mysticisme, créateur panique… Les termes ne manquent pas lorsqu’il s’agit de décrire cet octagénaire déluré, véritable artiste complet et unique en son genre. Chilien d’origine, l’artiste fait très jeune ses premières armes auprès du mime Marceau à Paris, et quelques années plus tard crée le Panique, son propre mouvement artistique, grandement influencé par le surréalisme dont il a fréquenté les plus grandes pointures, dont André Breton. Son inépuisable créativité le pousse plus tard dans les bras du cinéma qu’il honorera de films cultes comme La Montagne Sacrée, Santa Sangre ou encore La Danse de la Réalité, son dernier film autobiographique sorti en 2013.
Qu’il s’agisse de cinema, de B.D ou de théâtre, “Jodo” n’a eut de cesse de surprendre à travers des oeuvres toutes plus extraordinaires les unes que les autres, si bien que ce démiurge d’un univers mystique hors-norme divise la critique, qui décidément, ne sait pas sur quel pied danser. Car ses oeuvres dérangent, choquent, émerveillent, ou amusent, mais quoiqu’il en soit, elles sont cultes. Force est de constater que Dune n’aurait pas échappé à la règle si le film avait été porté sur grand écran.
Le projet Dune regroupait tous les éléments nécessaires pour en faire un film-monument titanesque, à commencer par l’univers visionnaire du roman éponyme de Franck Herbert dont il est l’adaptation, l’imaginaire chimérique de Jodorowsky alors à l’acmé de sa popularité, et un casting décapant (Mike Jagger, David Carradine, Amanda Lear, Orson Welles, et même Salvador Dali – facturé 100 000$ sa seule minute d’apparition). Ajoutez à cela une bande son signée Pink Floyd, Magma ou encore Tangerine Dream, un univers halluciné signé Moebus pour ne citer que lui, une équipe artistique triée sur le volet par Jodorowsky, et vous avez Dune, dont la durée est estimée à 12h de film!
Malheureusement, les créateurs de ce qui devait être le film le plus imaginatif et abouti de notre ère ont eu les yeux plus gros que le ventre. Après 4 minutieuses années de pré-production, le projet estimé alors à 33 millions de dollars et déjà bien avancé se doit d’être avorté faute de moyens financiers en 1977. Qu’à cela ne tienne! Le film aura tout de même un impact considérable sur le cinéma de science-fiction, se parera même d’un véritable fan-club, et l’équipe travaillera sur des oeuvres telles que Alien, La Guerre des Etoiles, Blade Runner…
Avec brio, Frank Pavich tente de redonner vie au film et laisse la parole aux réalisateurs et membres de l’équipe à travers un documentaire qui prend les allures d’une fable. Illustré par d’innombrables documents rarissimes, allant du story-board original aux décors qui avaient été créés à l’époque et qui sont depuis devenus des pièces de collection, les amoureux de l’univers visuel loufoque auquel Jodorowsky nous a habitué ne seront pas déçus. Et à travers des témoignages drôles, parfois amères mais aussi émouvants, Jodorowsky’s Dune atteste de la passion avec laquelle les protagonistes s’étaient lancés dans cette aventure, qui à elle seule mérite amplement d’être portée à l’écran.