Bombay est il aussi exotique que Kaboul? On se le demande... Imaginez une ville où, chaque midi, des coursiers (les Dabbawallahs, illettrés et incultes) viennent livrer aux employés de bureau, non pas d'infâmes sushis ou une immonde pizza.... mais le petit plat préparé par bobonne, dans des récipients qui se superposent comme les paniers à dim sun pour séparer le riz, la viande, la sauce, les galettes.
Des coursiers à mobylette collectent dans les quartiers les récipients dans leur housse protectrice, puis ceux ci sont dispatchés, prennent les transports en commun dans de larges plateaux avant d'être à nouveau confiés à un coursier local. Le tout dans un bordel généralisé. Service assuré, rappelez vous, par des gens qui ne savent pas lire, il est donc inutile d'inscrire le moindre nom ou adresse.... Eh bien, il n'y a jamais d'erreur! Une sur un million, comme le rappelle un livreur courroucé d'être soupçonné de négligence, les savants de Harvard sont venus examiner le système et l'ont approuvé!
Donc, le film, c'est l'histoire de cette erreur.... sur un million. La lunchbox préparée amoureusement par Ila (Nimrat Kaur), femme au foyer délaissée par un mati indifférent qui ne lui adresse même plus la parole, atterrit sur le bureau de Sajaan (le très connu Irrfan Khan). Sajaan est un veuf grognon et solitaire; à la veille de prendre une retraite anticipée, il met une mauvaise volonté militante à former son successeur, Shaikh (Nawazuddin Siddiqui), il est vrai particulièrement collant et ballot....
Ila comprend, d'après la réaction de son mari, que la lunchbox s'est trompée de destinataire; elle met donc un petit mot, le jour suivant, qui va être le début d'une correspondance entre ces deux solitaires mal dans leur peau.... Jusqu'à se rencontrer? Sajaan ira au rendez vous, mais devant la jeunesse et la beauté de la jeune femme, se sentant bien vieux, il tournera les talons. Mais cette rencontre l'a changé: il devient ami avec Shaikh l'orphelin (lui aussi un solitaire à sa façon), allant jusqu'à devenir son témoin de mariage.
Le film du jeune Ritesh Batra est charmant, émouvant.... et très dépaysant. Elle fait un peu peur, cette ville, avec ses trains de banlieue vétustes et surchargés. Tellement vieillotte! Ainsi, dans le pays de l'informatique de pointe, les employés de bureau gribouillent sur des registres avec tout juste le soutien d'une calculette..... Un ordinateur? Où ça, un ordinateur.....
La magie du cinéma unit la même semaine Bombay et Kaboul. Deux villes qu'à priori tout oppose, et pourtant, pas tant que cela. La situation d'Ila, coincée dans sa vie traditionnelle, est elle vraiment beaucoup plus enviable? Réjouissons nous d'être européennes, les filles! N'en déplaise aux fanatiques de la commission Théodule désignée par Ayrault, (qui n'en rate pas une), et qui, on n'en croit pas nos oreilles, préconisent que la France "s'arabo-orientalise". Non merci! Très peu pour nous!