Cela s'était déjà vu dans "I Wish I Knew, histoires de Shanghai", le précédent film du réalisateur, sorti en 2010: Jia Zhang-Ke est doué pour le documentaire. Le principal intérêt de "A Touch of Sin" est qu'il propose, à travers quatre tableaux, un panorama sévère mais assez juste de la réalité chinoise d'aujourd'hui: mise en coupe réglée des ressources du pays par une oligarchie corrompue, nouveaux riches odieux, travailleurs migrants exploités, émergence d'une jeunesse fascinée par la société moderne mais qui a du mal à échapper au broyage par la machine industrielle, importance des liens familiaux, des solidarités de village... Le miracle chinois, dont il faut souligner qu'il a tout de même généré, sur quelques décennies, une amélioration considérable du niveau de vie de la population, n'a pas que des aspects sympas! Tout cela transparaît de façon évidente, par une mise en scène fluide, travaillée, qui ne recule pas devant les effets sanglants pour souligner la violence de cet univers. La limite, c'est la dimension narrative, où on est pas loin de l'encéphalogramme plat. Le film illustre et dénonce, mais les histoires qu'il raconte ne sont pas passionnantes, par manque d'enjeu dramatique et d'éléments inattendus: on a d'un côté les gentils qui se font exploiter, de l'autre les méchants qui profitent, et il se passe... ce que vous pensez qui va se passer. Seule la quatrième histoire, avec cette idylle avortée d'un jeune couple de travailleurs migrants de Dongguan, est un peu plus riche et touchante. C'est incroyable que le jury de Cannes ait distingué le film par... le prix du scénario, alors que c'est justement son point le moins fort.