Après "The World" et "Still Life" qui avaient marqué les esprits en conjuguant puissance du documentaire (sur les mutations de la Chine) et grâce de la mise en scène, et après pas mal de documentaires - justement - que j'avoue ne pas avoir vus, Jia ZhangKe revient avec un film encore plus impressionnant, parce qu'il laisse pour la première fois s'exprimer sa rage devant la situation catastrophique dans lequel le peuple chinois se trouve plongé, et qu'il la libère, cette rage, à travers des scènes de violence gore - un tantinet exagérées, mais c'est justement là qu'il s'agit clairement d'un "geste" de metteur en scène. Du coup, "A Touch Of Sin" a été souvent présenté par la critique enthousiaste (à juste titre) comme "Tarantinesque" ou comme un "film de sabre" : personnellement, je me demande un peu où les critiques ont été chercher ça, et s'il ne s'agit pas simplement d'un "truc" pour faire venir les spectateurs "grand public" dans la salle, spectateurs qui en ressortiront forcément déçus (c'était le cas lors de la séance où je suis allé...). Car "A Touch of Sin" est, comme les précédents films de Jia ZhangKe, une oeuvre lente, noire - avec quelques éclats de lumières, aveuglants, mais très brefs -, un pamphlet politique sans appel, une peinture hyper réaliste de la dégénerescence absolue d'une société perdue entre capitalisme sauvage qui broie et corruption communiste qui pourrit. Construit comme une suite de quatre histoires non reliées entre elles (ou si peu), "A Touch Of Sin" s'ouvre par le "sketch" le plus drôle, mais aussi le plus jouissif - puisque les méchants sont punis - et se termine par le plus désespéré, celui du suicide de la jeunesse, ce qui n'est certainement pas un hasard. Avant de se clore vraiment sur une conclusion énigmatique, qui signifie sans doute qu'il y aurait encore une multitude d'histoire aussi dures, aussi fortes à nous raconter. Grand film d'un grand auteur (à la fois scénariste et metteur en scène), mais pas vraiment le film "populaire" annoncé.