En 2013, la Chine n'a pas pu profiter du dernier long-métrage de Zhang-ke Jia. Trop virulent envers son propre pays certainement. Toutefois, le film s'est plutôt bien distribué à l'international, et est même repartie de Cannes avec un prix. De plus, la critique est unanime et le célèbre en tant que "bijou". Et la critique a bien raison.
Bon, je tiens toutefois à dire quels sont les défauts du film avant d'en faire l'éloge. Premièrement, pour un récit qui s'articule autour de quatre personnages, je trouve la première histoire largement au dessus des autres en terme d'intensité, ce qui est vraiment dommage car du coup je m'attendais à plus par la suite, mais les autres sont plus calmes, je suis resté sur ma faim car il y a un réel problème d'ordre dans les histoires. Le second défaut, c'est le schéma narratif. Chacune des histoires suit le même et perd de plus en plus l'effet de surprise, bien que ça se renouvelle suffisamment pour jamais être ennuyeux. Au final ce ne sont que des défauts narratif qui, bien que problématique en terme d'intensité, ne font perdre que très peu à l'intérêt du film.
Car il faut le dire, malgré que je sois moins dithyrambique que la presse, ce "A Touche of Sin" est une pure réussite. A l'heure où des cinéastes comme Yimou, ou du moins ses derniers films, se complaisent dans l'enjolivement du pays, Zhang-ke Jia, lui, propose une critique de sa société au travers de quatre histoires et protagonistes. Des personnages qui vont tour à tour être broyé par un système où l'argent domine, prodigue pouvoir et déshumanise ceux qui en ont besoin, comme ceux qui en profitent. Chacun des protagonistes sera exploité, que ce soit socialement, sexuellement ou sentimentalement et ce, jusqu'à un point de non-retour qui conduira à une explosion de violence envers les autres ou eux-mêmes.
Ce sur point d'ailleurs, j'avais peur de voir le cinéaste tomber dans une sorte de promotion de la violence, sans prendre aucun recul. Cependant ce n'est pas le cas, bien que beaucoup semble le penser. Zhang-ke Jia nous présente des personnages vivants dans une Chine qui les mets dos au mur, mais ne se range pas de leur côté pour autant. La situation dans laquelle le système les a poussé les pousse vers une violence animale, parfaitement représenté par la couverture arborant un tigre qui sert à cacher le fusil de la première histoire, les boeufs à la fin de la seconde, ou se serpent traversant la route devant le personnage dans la troisième, ainsi que ces dialogues à propos du fait que les animaux puissent se suicider. Le quatre protagonistes sont réduits par la société, et leur exploitation, à leurs instincts les plus primaires. La différence entre bourreaux et victimes peut sembler mince, mais est pourtant bien présente.
"A Touch of Sin" est une oeuvre qui à pour vocation d'être un constat, ainsi qu'un cri d'alarme, d'un pays qui exploite jusqu'à la limite, et déshumanise jusqu'à la sauvagerie. Une oeuvre puissante, à la mise en scène élégante qui souffre toutefois de son schéma narratif trop redondant et d'une perte d'intensité passée la première histoire. Mais cela est bien peu de choses face à une telle oeuvre.