On pouvait être assez excité à l'idée de découvrir la nouvelle création d'Alex Van Warmerdam, Hollandais fantasque, auteur notamment des Habitants, très beau film surréaliste, noir, poétique et tordu.
La première partie de Borgman comble nos attentes en matière de bizarrerie intrigante. Cette histoire de SDF qui s'incruste dans une famille pour en pourrir lentement mais sûrement l'ordre et la sérénité captive immédiatement. Le personnage central, sorte de démon sorti du Cauchemar de Füssli, agit comme le révélateur et le détonateur des tares de cette famille "cliché" de la bonne bourgeoisie néerlandaise : égoïsme, violence latente, désirs refoulés, hystérie, racisme, mélange de suffisance et de mauvaise conscience par rapport à la richesse (héritage de la culture protestante ?), etc. Van Warmerdam brode un canevas à la fois inquiétant et drôle, traversé d'éclairs surréalistes ou absurdes, toujours empreint d'un humour à froid étonnant et réjouissant.
Le problème, c'est que ce canevas est très référencé, pour ne pas dire un peu imité (Théorème, de Pasolini, pour la trame générale ; Funny Games, de Haneke, pour le jeu de massacre glacé ; quelques films de Buñuel pour l'esprit surréaliste antibourgeois). Et le réalisateur, une fois son dispositif narratif mis en place, peine à embrayer, à transcender sa "folie" très organisée, son entreprise méthodique de démolition. Ça patine un peu, ça se répète, ça s'égare en symboles parfois gratuits ou abscons, et surtout ça s'étire en longueur, une longueur qui finit par noyer un peu l'aspect subversif et explosif du propos. D'autant que le dénouement ne tient pas vraiment les promesses de l'originalité initiale. Ouvert aux interprétations, autour d'une possible révolution sociale, d'un effacement punitif des valeurs bourgeoises, ce film déçoit donc un peu dans ses développements et ses aboutissements. On attend toujours qu'Alex Van Warmerdam retrouve l'inspiration géniale qui était la sienne lorsqu'il a conçu Les Habitants.