Alors que l’histoire des indigènes d’Amérique centrale est chargée et bedonnante, l’avenir tiendrait facilement dans un pantalon de taille XS. C’est le constat pessimiste que dresse Diego Quemada-Diez dans Rêves d’or, nouvel essai traitant au cœur la problématique de l’immigration latino aux Etats-Unis. Ici, trois jeunes guatémaltèques, dont une fille travestie en homme, l’on comprendra vite pourquoi, tentent de rejoindre la Californie. Il faut pour ce faire traverser l’Etat mexicain, terre hostile aux clandestins. A la suite d’un bref essai et d’un retour manu-militari à la maison, deux d’entre eux repartent, accompagnés bon-gré mal gré par un indien qui ne parle ni l’espagnol ni l’anglais. Arriveront-ils à destination? Le cinéaste ne faisant pas de sentiments, très dur envers ses protagonistes, ne semble pas s’orienter sur cette voie là, préférant la noirceur à la réjouissance.
Rêves d’or n’est sincèrement que peu passionnant, à son grand désavantage. Oui, le film, pourtant, s’avère d’un réalisme saisissant. L’on s’imprègne très rapidement de l’ambiance, des personnages parfois mutiques. L’on saisit immédiatement la portée de leur périple, qui s’apparente d’avantage à la croisade qu’à un simple changement de vie. La force du film de Quemada-Diez est qu’il tourne avec les moyens du bord, dans une Amérique Centrale ravagée par le pauvreté et la criminalité, sans artifices, sans contrefaçon. Les acteurs du cru ont pleinement la gueule de l’emploi. Les décors naturels sont aussi beaux qu’inquiétants. Tout est parfait, techniquement parlant, mais le rythme manque cruellement. A l’exception de quelques séquences précieuses en émotions et ressentis, l’apparition du cartel le long de la voie ferrée, la rebutante séquence finale qui démontre l’âpreté de la condition clandestine au pays du rêve, le film ne rebondit jamais vraiment.
Le ton monocorde employé par le metteur en scène permet d’éviter l’écueil du mélodrame, permet de ne pas s’appesantir sur les malheurs des uns et la fatalité des autres. Pour autant, il aurait été appréciable d’y voir plus de spontanéité, comme lors de la prise en otage d’un petit groupe de voyageurs par des truands locaux dont on ne comprend guère les motivations. Très ancré dans la culture latino-américaine, Rêves d’or, sans approfondissement, pourra paraître pour nous presque suranné, produit brut de décoffrage ne s’adressant pas vraiment à la planète mais simplement aux intéressés. Faute d’un mutisme drôlement curieux, dont j’ai parlé plus haut, les personnages peine à provoquer l’attachement. Qui plus est, le réalisateur ne leur faisant pas de cadeaux, ils ne sont finalement que de toutes petites fourmis anonymes dans un système ravagés, des exemples sans personnalité de victimes du système.
Pour autant, le film est explicite. On ne peut pas lui enlever ça. Il s’agit là d’un témoignage brut, d’un métrage sans arrondi tendant à évoquer l’anonymat et le peu d’intérêt que portent les pays concernés aux clandestins en quête de jours meilleurs. Fataliste jusqu’au bout des ongles, Diego Quemada-Diez fait de l’américain l’assassin, du mexicain le criminel et du guatémaltèque le paria. La mort, la prostitution, la drogue, l’enlèvement, la traite humaine, tout y passe et le film ne laisse qu’un souvenir mitigé, une vision peu réjouissante d’un monde malheureusement de plus en plus malmené. Drôle de film quasi-documentaire que voilà, objet témoin d’une époque, film sans concession qui aura plu au jury d’Un certain regard, à Cannes, en 2013. Tant mieux pour lui. 12/20