À l’intersection du documentaire et de la fiction, le premier long-métrage du mexicain Diego Quemada-Diez est un véritable choc, un coup de massue. Parce qu’il présente l’émigration sous un jour inhabituel, mais terriblement réaliste et implacable. Le parcours en trains de marchandises, longs et lents, sur les toits desquels il faut parvenir à monter, est semé d’embûches et d’imprévus, obligeant les migrants à s’adapter, à prendre patience et à ruser. Le long de la voie ferrée envahie par la végétation cohabite le meilleur (parfois) et le pire (le plus souvent). Quoiqu’il advienne, il n’est jamais question de renoncer, de revenir en arrière et de s’apitoyer. L’énergie du désespoir et de l’ultime chance pour fuir la misère et l’absence d’avenir et atteindre l’eldorado américain.
Traversant des paysages grandioses, vallonnés et sylvestres, sous un soleil de plomb, les trains seraient presque ceux des vacances, de l’évasion facile et ludique. Loin d’un sentiment d’urgence et de danger démarre le périple qui, bien sûr, ne conservera pas très longtemps son improbable enchantement. Le déplacement des populations, qu’elles traversent l’Afrique, l’Europe ou l’Amérique du Sud, suscite commerces, trafics et marchandages de la même espèce motivée par le profit, l’humiliation infligée à plus bas que soi dans l’échelle sociale.
Assistant du britannique Ken Loach, chez lequel il a probablement appris ce regard documentaire et empathique, Diego Quemada-Diez livre avec Rêves d’or un film important qui n’a rien d’un angélique conte de fées. S’en dégage une force tellurique qui saisit et cloue le spectateur. Les longues courbes des rails reflètent ainsi les méandres d’un scénario riche et imprévisible qui ne se joue jamais d’effets, pariant davantage sur sa sécheresse et sa puissance à la limite du soutenable. À l’heure où les questions d’émigration font tellement débat, ce film indispensable, par le prisme d’une fiction à la fois délicate, juste et inspirée, en rappelle les multiples facettes.